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    Nouvelle Calédonie
  • ENTRETIEN AVEC Paul Néaoutyine, président de la province Nord et figure de l’UNI
    Propos recueillispar Yann Mainguet | Crée le 12.10.2018 à 04h25 | Mis à jour le 17.10.2018 à 13h34
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    « Pensez-vous sincèrement que la France aurait intérêt, dans le cadre de sa stratégie, à cesser toute relation financière avec notre pays ? », interroge Paul Néaoutyine. Photo LNC
    Rare dans les médias ces derniers temps, Paul Néaoutyine croit en un financement serein de l’indépendance et une relation nouvelle avec la France. La victoire du « oui » équivaudrait, à ses yeux, à « la substitution d’un modèle caduc par un autre qui lie deux États souverains ».

    Les Nouvelles calédoniennes : Vous aviez demandé un éclairage sur les conséquences juridiques du « oui » et du « non » le 4 novembre. L’État vient de transmettre le document. Qu’en retenez-vous ?

    À Paris, j’ai rencontré le Premier ministre pour lui demander que l’État dise ce qui va se passer si le « non » ou le « oui » l’emporte. Pourquoi ? Parce que la plupart des médias et nos adversaires politiques prédisaient qu’en cas de victoire du « oui », le pays plongerait dans l’inconnu ou dans le chaos. Nous, nous avons toujours défendu l’idée que s’ouvrira une phase de transition au cours de laquelle les institutions existantes et les services publics d’éducation, de santé, de protection sociale, continueront de fonctionner normalement au fur et à mesure que le nouvel État se dotera de ses nouvelles compétences. À l’évidence, j’ai été entendu par le Premier ministre : « La France (…) ne se retirera pas brutalement : la sécurité, l’ordre public, la monnaie, la justice continueront d’être assurés par la France pendant une période de transition qui suivra la consultation. Une indispensable période de transition limitée dans le temps sera mise en place pour assurer le nécessaire transfert des compétences ».

    Quelle est votre lecture ?

    L’État rappelle le droit. Nous y voyons la confirmation de ce que l’UNI a toujours dit, à savoir que le passage de notre pays, Kanaky-Nouvelle-Calédonie, à la pleine souveraineté se fera, sans vide ni trou noir, dans le respect des procédures internationales communément admises. En outre, l’avis du Conseil d’État confirme que « tant que les consultations n’auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée », c’est-à-dire à l’indépendance politique, « l’organisation politique mise en place par l’accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d’évolution, sans possibilité de retour en arrière ». Bref, toutes les déclarations de nos adversaires politiques sur un nouvel accord, sur une révision du corps électoral ou de la clé de répartition font pschitt.

    D’après le texte, en cas de vote pour l’accession à la pleine souveraineté, « les mécanismes actuels des financements de l’État, reposant sur l’accord de Nouméa, n’auront plus de fondement juridique, et seront donc caducs ». Cette affirmation vient-elle mettre à mal la volonté d’accompagnement voulue par le FLNKS ?

    Cette affirmation est logique. Pour autant, elle ne remet nullement en cause la volonté et la possibilité d’accompagnement de l’État. Logique ? Parce que dès lors que le « oui » l’emporte, le pays entre dans une phase de transition au cours de laquelle le Parlement français entérinera par une loi la sortie de notre pays de l’ensemble français. L’indépendance sera proclamée officiellement. Il est évident que seront caducs juridiquement un grand nombre de dispositifs de toute nature qui lient organiquement la Nouvelle-Calédonie à la France. La question particulière du concours financier que la France pourra continuer à apporter à certains projets du pays indépendant sera à négocier, d’État à État, dans le cadre général des partenariats et accords de coopération durables ou ponctuels. La stratégie indo-Pacifique de la France développée à Nouville par le président de la République ne cadre pas avec l’idée que la France cesserait du jour au lendemain toute aide financière sous forme de prêts ou de contreparties partenariales à Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Le Premier ministre le dit, « les relations financières entre la France et la Nouvelle-Calédonie seront établies dans le cadre de la politique publique d’aide au développement ». La porte n’est donc pas fermée.

    En cas d’indépendance, comment financer les actuelles compétences régaliennes ? Le montant est-il bien de plus de 70 milliards de francs ?

    Lorsque l’on parle de la viabilité économique de l’indépendance, nos adversaires politiques n’ont qu’une vision comptable de la réalité, et cette réalité, ils ne la conçoivent ou ne veulent la concevoir qu’immuable, à situation constante, comme si les paradigmes économiques allaient rester les mêmes avec l’indépendance. En gros, si la France se retire, il va manquer tant de millions ou tant de milliards donc le pays va courir à la ruine. Je m’étonne que certains qui se disent experts en économie aient une vision aussi figée de la matière mouvante qu’est la chose économique. Par ailleurs, je dénonce les procès d’intention qui visent à faire passer les indépendantistes pour des irresponsables ou des incapables prêts à entraîner le pays dans la ruine.

    Toutes les avancées économiques et sociales des dernières décennies sont dues aux indépendantistes, à commencer par l’accord de Nouméa. Mais aussi « 400 cadres », la création de l’usine du Nord et les activités économiques induites, l’emploi local, l’aide médicale gratuite, tout cela est à mettre à notre crédit, pas à celui de nos adversaires même si un certain dirigeant d’un parti loyaliste s’évertue à s’en arroger tous les mérites dans les médias.

    Je reviens aux chiffres...

    Le Congrès a évalué à 80,1 milliards de francs, dans son journal de juin 2015, le poids des compétences de l’État aujourd’hui. L’addition des compétences spécifiquement régaliennes et non-transférées s’élèverait à 59,6 milliards mais un certain nombre de données chiffrées ne sont pas connues. Nous pouvons en déduire que la somme est légèrement supérieure et pourrait approcher le chiffre que vous évoquez. La question est : faudra-t-il que le nouvel État finance en l’état les « actuelles » compétences régaliennes ? Certainement pas. Nos compétences régaliennes seront définies en fonction de nos besoins et pas de ceux de la France. À quelle hauteur les financerions-nous ? Si l’on ne veut pas jouer aux devins, il faut se garder des chiffres et concevoir que ce qui se joue est une négociation politique, pas un jeu hors sol d’additions et de soustractions, et qu’une partie de ces compétences fera l’objet de négociations bilatérales entre la France et Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Ces compétences seront-elles transférées d’un seul coup du jour au lendemain auquel cas il faudrait trouver immédiatement les recettes nécessaires ? Évidemment non. Dès lors qu’une partie d’entre elles feront l’objet de négociations, les transferts se feront progressivement de 2018 à 2022. Certaines compétences feront l’objet de partenariat en matière de défense, de protection de la zone économique exclusive, par exemple. Qui peut à l’avance dire ce qu’il en sera de négociations qui n’ont pas encore eu lieu ? L’économie réelle de notre pays dégage suffisamment de richesse pour que la viabilité de l’indépendance ne soit pas une chimère mais une possibilité concrète.

    Quelles méthodes instaurer pour conserver les capitaux en Calédonie et éviter l’inflation ?

    Les capitaux qui s’emploient à l’extérieur du pays, c’est autant de richesse produite par le travail des Calédoniens qui est soustraite à son économie, donc à ses recettes publiques et à ses comptes sociaux. Ce sont plusieurs milliards dont nos adversaires politiques ne parlent jamais qui pourraient s’investir ici, créer de l’activité économique et de l’emploi. Et puis il y a aussi l’évasion fiscale pudiquement appelée « optimisation fiscale » qui s’évanouit dans les paradis de la zone ou au-delà. Quels moyens employer ? Il y en a plusieurs. Le renforcement d’une brigade financière est un des outils possibles concernant l’incivilité des citoyens fortunés qui manquent à leurs obligations fiscales. Concernant la fuite des capitaux, cela passe par un contrôle des flux financiers, notamment des flux sortants. Ce contrôle peut s’opérer par les banques, par des mesures restrictives à l’achat de biens immobiliers hors du pays, par la fixation d’un plafond aux transferts de fonds, en demandant aux entreprises de justifier les transferts d’argent au-delà d’une certaine somme.

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