fbpx
    Monde
  • Loïc Vennin/AFP | Crée le 11.10.2018 à 04h25 | Mis à jour le 11.10.2018 à 09h16
    Imprimer
    Les pays africains formeront une bonne partie de la quarantainedes dirigeants présents à Erevan. Photo AFP
    SOMMET. L’Organisation internationale de la Francophonie se réunit pendant deux jours à Erevan en Arménie. Mais en s’ouvrant à des pays dont le rapport avec le français n’est pas évident, elle risque de devenir inaudible.

    Quarante-deux Etats et gouvernements avaient pris part en 1986 au premier Sommet de la Francophonie. Aujourd’hui à Erevan, ils seront le double, exactement. Parmi eux, certains ont un rapport qui semble assez lointain de la définition que se donne l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) : « une institution fondée sur le partage d’une langue, le français, et de valeurs communes ».

    L’Ukraine ne compte que 0,1 % de francophones, tout comme l’Uruguay, mais il est vrai qu’ils ne sont que pays « observateurs », donc sans droit de vote. La Moldavie, elle, est membre de plein droit, même si elle ne compte que 2 % de francophones, tout comme l’Egypte ou la Bulgarie (3 % chacune), selon les derniers chiffres de l’OIF. Actuellement, seul un tiers des pays de l’organisation reconnaissent dans leur Constitution le français.

    « J’observe ce fait avec circonspection. On parle même de l’adhésion de l’Arabie saoudite (qui sera étudiée au Sommet d’Erevan, NDLR), un royaume théocratique qui n’est pas connu pour sa culture de langue française et encore moins pour son agenda politique progressiste », s’étonne Abdourahman A. Waberi, écrivain universitaire franco-djiboutien, et penseur de la francophonie.

    « Ces pays qui ont peu à voir avec la Francophonie voient peut-être celle-ci comme un autre espace d’influence pour eux, comme si l’OIF constituait une petite ONU », analyse Linda Cardinal, titulaire de la chaire de recherche sur la francophonie à l’Université d’Ottawa.

    Mais à vouloir se faire plus grosse que le bœuf, la grenouille OIF risque d’éclater. « Si le bœuf est l’ONU, l’OIF ne pourra jamais prétendre avoir la même envergure », rappelle Mme Cardinal, en référence à la célèbre fable de La Fontaine.

    Dispersion

    Avec un budget annuel moyen de 85 millions d’euros, contre 5,6 milliards pour l’ONU, la Francophonie ne peut bien entendu pas jouer dans la même cour. Pourtant, l’OIF démultiplie ses missions, au prix d’un grand écart hasardeux.

    Le développement durable, l’économie et la société civile se sont ainsi ajoutés aux grandes missions, comme la langue française, la diversité culturelle, l’éducation…

    « L’OIF court un réel danger de dispersion, estime Pierre-André Wiltzer, ancien ministre français de la Francophonie (2002-2004). Parmi les nouveaux membres, beaucoup n’avaient guère de véritables liens avec les objectifs fondamentaux de l’Organisation. On a donc vu l’OIF s’intéresser progressivement à toutes sortes de sujets pour lesquels elle n’avait pas les moyens d’agir concrètement. C’est un syndrome qui, d’une certaine façon, frappe aussi l’Union européenne : l’élargissement risque de tuer l’approfondissement. »

    L’OIF doit « se concentrer sur le cœur de métier que constitue la langue, la culture, plaide Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat français en charge de la Francophonie. Ce qu’on a pu constater ces dernières années, c’est peut-être un éparpillement, avec beaucoup d’actions de communication, il est important de revenir aux fondamentaux. »

    Economie et paix

    Le professeur belge Bruno Bernard, expert en francophonie économique, met cependant en garde contre l’abandon des missions « économiques ». « Il faut que la Francophonie utilise sa langue pour permettre un épanouissement économique », au même titre que « l’American way of life est un outil de promotion pour les usines américaines », juge-t-il.

    Le président français Emmanuel Macron souligne, quant à lui, l’importance de la promotion de la paix. « Alors que l’espace francophone est confronté à des conflits et à des crises, à des phénomènes de radicalisation, à la difficile construction de l’État de droit, la Francophonie doit contribuer directement à faire progresser la paix, la démocratie, les droits humains, l’égalité entre les femmes et les hommes », a-t-il déclaré dans une interview récente aux Nouvelles d’Arménie.

    Deux femmes pour un poste

    La Rwandaise Louise Mushikiwabo, adoubée par l’Union africaine et la France, affronte à partir d’aujourd’hui en Arménie la Canadienne Michaëlle Jean pour prendre la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

    Endeuillé par la mort du chanteur franco-arménien Charles Aznavour, qui devait venir à Erevan, ce XVIIe sommet de deux jours a officiellement pour thème le « Vivre ensemble ».

    C’est pourtant une guerre feutrée que se livreront les 11 et 12 octobre les 84 Etats et gouvernements de la Francophonie pour le contrôle de l’OIF, avec en toile de fond la volonté de l’Afrique, où vit la majorité des francophones du monde, de « récupérer » le poste de secrétaire général.

    Québec contre Rwanda

    L’instance politique est actuellement dirigée par Michaëlle Jean, ancienne gouverneure générale du Canada, c’est-à-dire représentante de la reine d’Angleterre dans cette ex-colonie britannique. Les deux premiers secrétaires étaient originaires d’Afrique, l’Egyptien Boutrous Boutros-Ghali et le Sénégalais Abdou Diouf. En raison de l’explosion démographique du continent, 85 % des francophones y vivront en 2050,

    M. Macron répète à l’envi que « l’avenir de la francophonie » se trouve en Afrique.

    Québécoise d’origine haïtienne, Michaëlle Jean doit faire face à la candidature de la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, annoncée fin mai à Paris par le président rwandais Paul Kagame et son homologue français Emmanuel Macron, qui y a apporté un soutien appuyé. La candidature rwandaise fait cependant grincer des dents : le Rwanda a remplacé en 2008 le français par l’anglais comme langue obligatoire à l’école puis a rejoint le Commonwealth un an plus tard.

    Francophonie avec un grand F

    L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) réunit 84 Etats et gouvernements. 54 sont membres de plein droit, 4 membres associés et 26 seulement « observateurs ». Elle forme la représentation politique des quelque 274 millions de francophones dans le monde. Cette instance est née du besoin d’anciennes colonies françaises, devenues indépendantes, de pouvoir se réunir dans une organisation ayant « le français en partage », comme le dit la charte de l’organisme. L’OIF représente la Francophonie politique, avec un « F » majuscule, à la différence de la francophonie, qui regroupe les 274 millions de locuteurs du français dans le monde, soit 3 % de la population de la planète, selon les derniers chiffres de l’OIF.

    1 milliard de francophones en 2065

    La francophonie est l’espace linguistique à la plus forte croissance, avec un bond de 143 % prévu entre 2015 et 2065 (+ 62 % pour l’anglais), selon l’ONU. D’ici à 2065, un milliard de personnes devrait parler français, soit cinq fois plus qu’en 1960, au deuxième rang des langues internationales derrière l’anglais. Selon l’OIF, 8 % de la population mondiale sera francophone en 2050, soit 700 millions, dont 85 % en Afrique.

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • MEDIAS ASSOCIÉS
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS