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  • Marina Lapenkova/AFP | Crée le 15.02.2019 à 04h25 | Mis à jour le 15.02.2019 à 08h16
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    Un Afghan assis sur les restes de chars de l\'ère soviétique, dans la province de Panjshir, au nord de Kaboul. Photo AFP
    HISTOIRE. Ni joie, ni amertume, mais l'envie de rentrer à la maison. C'est ainsi que Mikhaïl Kojoukhov se souvientdu dernier convoi soviétique à quitter l'Afghanistan il y a 30 ans.

    Le 15 février 1989, l’URSS retirait ses dernières unités d’Afghanistan, après dix ans d’intervention en soutien au « régime frère » communiste de Kaboul face à la rébellion islamique. Ce retrait, décidé par Mikhaïl Gorbatchev, signait une humiliante défaite pour l’URSS et contribuait à sa chute. Ce jour-là, Mikhaïl Kojoukhov, correspondant de guerre, franchissait le pont de l’Amitié sur l’Amou-Daria séparant l’Afghanistan de l’URSS, à bord de l’avant-dernier blindé du dernier convoi soviétique, avec ses petits drapeaux rouges. « Les soldats ne rêvaient que de rentrer chez eux sains et saufs », raconte le vétéran à l’époque journaliste au quotidien Komsomolskaïa Pravda.

    L’un de ces blindés transporte le corps d’Igor Liakhovitch, un conscrit de 20 ans, tué la veille, dernière de plus de 14 000 victimes soviétiques officielles du conflit.

    « Menaces réelles »

    « On voyait le long de la route des doukhi (les « esprits », les partisans afghans NDLR) descendus de leurs montagnes pour observer notre retrait », se souvient M. Kojoukov, 62 ans aujourd’hui. « Les regards des habitants étaient pleins de haine ou de dépit, parce qu’on les laissait à la merci du destin. » Pour lui, cette guerre « restera pour toujours une aventure tragique et insensée ».

    L’invasion de l’Afghanistan, le 27 décembre 1979, avait été décidée secrètement par un groupe restreint de membres du Politburo. Elle avait été déclenchée officiellement pour aider, face à la rébellion islamique, le « frère » afghan, lié au Kremlin par un traité signé avec ce pays devenu communiste lors d’un coup d’Etat, un an auparavant.

    Moscou pensait remporter facilement cette guerre, mais ne parviendra jamais à rompre les lignes d’approvisionnement de la résistance afghane, armée par les Américains, financée par les Saoudiens et soutenue logistiquement par le Pakistan. Très impopulaire, cette invasion a été condamnée officiellement par l’URSS en 1989 en pleine « glasnost », la politique de la transparence impulsée par Mikhaïl Gorbatchev.

    Une vision aujourd’hui remise en cause. Dès 2015, le président Vladimir Poutine, qui promeut depuis vingt ans une vision patriotique de l’histoire au nom de l’unité nationale, avait implicitement justifié l’invasion visant selon lui à « riposter aux menaces réelles » contre l’URSS, tout en reconnaissant « un tas d’erreurs ». En avril dernier, il s’était dit favorable à la proposition de députés de dresser un nouveau bilan de l’intervention.

    « Faire pénitence »

    Du côté des vétérans, la pression est forte pour revaloriser le conflit.

    « Nous n’avons rien à nous faire pardonner : nous n’avons pas utilisé de napalm […] et nous avons même pu quitter l’Afghanistan en nous faisant remplacer par nos partisans, ce que les Américains n’ont jamais su faire », plaide l’analyste Piotr Akopov du journal en ligne pro-Kremlin Vzgliad.

    Pour Alexandre Kovalev, président de l’Association des ex-combattants de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), l’invasion se justifiait : « Sans nos troupes, les Américains y auraient installé leurs missiles pour viser Moscou ». « Gorbatchev a bien fait d’en finir avec cette guerre, mais nous aurions dû continuer à soutenir Kaboul avec du matériel », ajoute M. Kovalev qui était « zampolit » (commissaire politique) du régiment 860.

    Le conscrit Konstantin Volkov part en Afghanistan fin 1981 à l’âge de 17 ans, plein d’enthousiasme. Chargé de radio, il participe à 70 opérations, dont l’une, lorsqu’il réussit à intercepter une correspondance entre moudjahidines en 1983, lui vaut une décoration.

    Démobilisé en 1983, il a été hanté par cette guerre pendant quinze ans. Devenu prêtre, c’est en tant que père Konstantin qu’il réunit désormais dans son église de Darna, à 45 kilomètres de Moscou, une trentaine d’autres « afgantsy » (ex-combattants en Afghanistan) chaque 15 février : « Je suggère à mes ex-compagnons de faire pénitence et d’oublier ce qui s’est passé lors de cette guerre. »


    Le commandant Massoud, un héros national

    Beaucoup de temps a passé mais les hommes de Massoud continuent d’évoquer avec fierté le génie tactique de leur chef, passé maître dans l’art du guetapens et de la guerre d’usure. Photo AFP

     

    La dernière fois que Abdul Karim a vu des soldats de l’Armée rouge, c’était sur un pan de montagne glacé de la vallée du Panchir, fief du commandant moudjahidine Massoud, lorsqu’il était un jeune combattant, Kalachnikov à la main.

    « J’ai entendu Ahmad Shah Massoud dire dans le talkie-walkie que les Russes s’étaient retirés de la zone et que nous pouvions descendre », raconte-t-il. Trois décennies plus tard, les Afghans qui ont connu cette période sanglante redoutent un scénario similaire lorsque les Etats-Unis rapatrieront leurs 14 000 soldats, comme ils en manifestent l’intention dans le cadre de leurs négociations avec les talibans. Pour les vétérans moudjahidine du Panchir, les parallèles entre ces deux époques sautent aux yeux. C’est sur ce terrain montagneux et difficile où les attendaient ses hommes que Massoud, le « lion du Panchir », avait attiré les Soviétiques. Ils en seront repoussés à neuf reprises. Près de vingt ans après son assassinat le 9 septembre 2001 par Al-Qaïda, Massoud demeure un héros national. Son décès est commémoré chaque année dans le pays par un jour férié. Le fils de Massoud, Ahmad, admet que son père « avait des doutes » face à la rapidité du retrait soviétique, le pays apparaissant trop divisé et le gouvernement trop faible pour le contrôler.

    « Il craignait que cela ne mène l’Afghanistan dans un chaos encore plus grand, et c’est exactement ce qui s’est passé. »

     

    Repères

    40 ans de conflit

    1979-89 : en décembre 1979, Moscou envahit le pays afin de le garder dans le giron communiste. Les résistants afghans, soutenus par l’Occident mené par les Etats-Unis, harcèlent l’Armée rouge qui finit par quitter le pays en février 1989.

    1992-96 : en 1992, la chute du gouvernement communiste donne le départ d’une guerre civile entre factions afghanes qui fera près de 100 000 morts et détruira en partie la capitale, Kaboul. Dès 1994 émergent les talibans, combattants islamistes fondamentalistes soutenus par le Pakistan.

    1996-2001 : les talibans prennent le pouvoir à Kaboul et installent un régime fondé sur une interprétation rigoriste de la loi islamique, qui interdit notamment l’éducation et le travail des femmes, les oblige à se couvrir intégralement et bannit tout loisir. Sanctionné par l’ONU, le régime du mollah Omar se rapproche d’Al-Qaïda et accueille son chef Ben Laden.

    Fin 2001 : les Etats-Unis envahissent le pays en représailles après les attentats du 11-Septembre. Washington et ses alliés chassent les talibans, installent Hamid Karzaï au pouvoir.

    2014 : la force de combat de l’Otan plie bagage après treize ans de conflit. Mais les talibans multiplient les attentats. Les civils sont ciblés.

    2018 : Donald Trump annonce son intention de retirer du pays la moitié des 14 000 soldats stationnés.

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