fbpx
    Nouvelle Calédonie
  • ENTRETIEN AVEC Philippe Blaise, secrétaire général des Républicains calédoniens
    Propos recueillis par Philippe Frédière | Crée le 23.05.2018 à 04h25 | Mis à jour le 17.10.2018 à 14h15
    Imprimer
    Aux yeux de Philippe Blaise, les acquis sociaux des Calédoniens ne résisteraient pas à une diminution du produit intérieur brut et des budgets des collectivités.Photo Thierry Perron
    « Les conséquences d’une indépendance sur le quotidien des Calédoniens. » C’est l’intitulé d’un livret de campagne concocté par Philippe Blaise. Pour lui, l’indépendance serait synonyme d’appauvrissement généralisé, de dégradation de la santé et de l’enseignement.

    Les Nouvelles calédoniennes : Vous êtes l’auteur d’un livret d’une vingtaine de pages sur ce que seraient les conséquences économiques et sociales de l’indépendance. N’est-ce pas une vision un peu trop comptable des choses ?

    Ce n’est pas qu’une vision comptable. Il y a bien d’autres considérations que financières. Mais il faut tout de même partir du constat suivant : la Nouvelle-Calédonie a un niveau de développement de type occidental, sans comparaison avec les pays voisins du Fer de lance. Ça se voit au travers de multiples indicateurs. Ici, nous avons 25 médecins pour 10 000 habitants. A Fidji c’est 4 pour 10 000 et au Vanuatu c’est à peu près un médecin pour 10 000 habitants. Il en découle que la mortalité infantile est ici infiniment moindre que chez nos voisins, et notre espérance de vie nettement supérieure. Ce n’est pas de la comptabilité.

    Le revenu mensuel moyen d’un ménage en Calédonie est de 405 000 F, au Vanuatu de 75 000 F, à Fidji de 74 000 F. On peut toujours nous dire que l’on peut vivre heureux avec très peu d’argent, sans réfrigérateur, sans voiture ou sans internet. Soit.

    Mais il y a des indicateurs beaucoup plus sociaux comme la retraite ou l’école. Aujourd’hui tout le monde peut avoir une retraite en Calédonie. À Fidji, 11 % des plus de 60 % ont une retraite, au Vanuatu c’est 3,5 %. Au Vanuatu, après l’école primaire, l’éducation est payante et réservée à une partie de la population.

     

    Selon vous, c’est ce qui arriverait en Calédonie en cas d’indépendance ?

    Nous avons un niveau de vie sans rapport avec celui des petits États voisins qui sont dans une situation comparable à celle des pays d’Afrique. Il y a donc une exception calédonienne qui n’est pas le fruit du hasard. Pour une large part, cette exception est due au rééquilibrage engagé il y a 30 ans et aux transferts de l’État qui ont permis aux Mélanésiens d’accéder largement aux emplois publics. L’État injecte en Nouvelle-Calédonie environ 150 milliards. C’est 15 % du PIB (*) et près de 40 % de la dépense publique. En Nouvelle-Calédonie, le poids financier de la sphère publique est supérieur aux impôts prélevés localement. L’argent de l’État sert à payer les magistrats, les gendarmes ou les policiers, mais il sert aussi à payer les enseignants du secondaire et du supérieur.

    De plus, les collectivités calédoniennes, communes et provinces, reçoivent aussi des dotations directement de l’État. Pour les provinces, ça équivaut à peu près au financement de l’aide médicale gratuite.

     

    Ces dotations s’arrêteraient-elles en cas d’accès à la pleine souveraineté ?

    On n’a jamais vu la France ni aucune autre grande puissance maintenir au même niveau des soutiens financiers au profit de territoires devenus indépendants. La France ayant des intérêts géostratégiques dans la région, on peut penser qu’elle négocierait le maintien d’une base militaire. Un point c’est tout.

    Il en découlerait quoi ? 15 % de PIB en moins, est-ce vraiment ingérable ?

    Dans le contexte économique actuel, ce serait l’étranglement. Nous entrerions dans un cercle vicieux où beaucoup de choses se dégraderaient très vite. Aujourd’hui, on ne sait pas comment renflouer l’assurance maladie. Les usines métallurgiques ne gagnent pas d’argent ou en perdent. Si l’on supprime demain 130 à 150 milliards en Calédonie, ça veut dire qu’il faut, soit baisser les salaires des fonctionnaires et des agents publics, soit les licencier à hauteur de 30 à 40 %. Dernière solution, augmenter massivement les impôts.

     

    Les indépendantistes considèrent qu’une bonne partie de cet argent repart en Métropole.

    Mais c’est de l’argent privé qui repart sous forme d’épargne ou d’assurance-vie. Si l’argent n’arrive plus, il ne repartira plus non plus. Il est donc illusoire d’imaginer pouvoir s’en saisir ou l’obliger à rester. C’est un raisonnement fallacieux.

     

    Certaines rémunérations sont quand même très généreuses en Calédonie. L’indexation à ce niveau ne doit-elle pas être revue à la baisse ?

    C’est une situation dont nous héritons. Il faut clairement rééquilibrer l’économie en faveur du secteur privé. Mais personne n’est prêt à accepter une perte de 40 % de son salaire alors que la plupart des biens de consommation sont importés et que leurs prix ne changeront pas. Désindexer d’un coup serait une catastrophe économique et sociale où l’on verrait très vite disparaître les classes moyennes. Si les honoraires des médecins sont ramenés au niveau de la Métropole, beaucoup d’entre eux partiront. Nous assisterons progressivement à une dégradation de nos infrastructures que nous n’aurons plus les moyens d’entretenir ou de rénover.

    On risque de déboucher sur une crise sociale sans précédent. C’est vrai que, de ce point de vue, la transition s’est faite sans douleur au Vanuatu. Mais les gens n’avaient pas connu le mode de vie occidental. Ici, ça ne pourrait pas se faire sans une chute des acquis sociaux. Notre combat, c’est précisément de les maintenir.

    Il restera le nickel.

    Ça, c’était la grande ambition d’une partie de la mouvance indépendantiste : financer l’indépendance avec la rente du nickel. Mais la situation s’est retournée et plus personne n’a la naïveté de penser que les activités métallurgiques nous permettront d’arriver à la souveraineté économique et de maintenir notre niveau de vie sans les transferts de la France.

     

    Donc, indépendance ou pas, que proposez-vous ?

    Notre modèle économique s’est appuyé sur le nickel et sur un secteur public surdéveloppé que nous ne pouvons pas financer sans la France. D’autant que la pression fiscale que nous subissons atteint ses limites et que l’on n’a toujours pas de solution pour sauver le Ruamm. Il faut progressivement changer ça. Aller vers une économie beaucoup plus développée dans le secteur privé. Pour ça, il faut d’abord améliorer l’enseignement et la formation. Il faut aussi encourager l’investissement.

    C’est une aspiration que partagent de nombreux jeunes Kanak qui reviennent avec des diplômes de l’enseignement supérieur. Ils sont souvent indépendantistes, mais sont déçus par leurs élus qui n’appréhendent pas les défis économiques.

    C’est pour cela que l’on va sans doute assister en novembre à un décrochage entre le vote pour des partis indépendantistes et le vote pour l’indépendance.

    (*) Produit intérieur brut

     

    Bio express

     

    Philippe Blaise est né en 1969 à Nouméa dans une famille issue des deux côtés des couloirs du bagne.

    Il est diplômé d’HEC et a fait une première carrière dans la banque. Il était directeur des risques dans un établissement de la place.

    Il a longtemps été militant au Rassemblement et en est parti lorsque Pierre Frogier a annoncé son intention de lever le drapeau FLNKS.

    Il a été élu au Congrès en 2014 et siège aujourd’hui dans les rangs des Républicains calédoniens, dont il est le secrétaire général.

     

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS