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  • © 2017 AFP | Crée le 05.04.2017 à 16h54 | Mis à jour le 05.04.2017 à 16h55
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    Des jeunes femmes soufies jouent de la musique traditionnelle sous l'oeil de leur professeur, le 25 février 2017 à Srinagar, au Cachemire indien STR-AFP

    Lorsqu'elle a commencé la musique classique soufie, Shabnam Bashir, adolescente de la vallée du Cachemire, devait s'entraîner au chant en cachette à cause de l'opposition de sa famille musulmane.

    "Ça m'a pris deux mois pour tous les convaincre", relate la jeune fille de 14 ans résidant à Srinagar, principale ville du Cachemire indien, la tête couverte d'un chatoyant foulard bleu. "Mon père m'a finalement donné la permission à condition que cela n'affecte pas mes études."

    Assis en demi-cercle sur un tapis, Shabnam, quatre autres jeunes filles et un garçon de 13 ans chantent à l'unisson tout en jouant des instruments à cordes ou percussions soufis, une branche mystique de l'islam.

    Ces élèves constituent le premier ensemble mixte de chant soufi de la région, normalement pré carré masculin. Un projet destiné à sauvegarder les traditions de musique classique de cette vallée au riche syncrétisme, mises à mal par la modernité.

    Honnis par les islamistes qui considèrent leurs rites comme blasphématoires, les soufis cherchent à atteindre une transe spirituelle à travers la musique et la danse.

    Avec des paroles tirées de la poésie religieuse persane ou cachemirie, les chants appris par l'ensemble de Shabnam prolongent une tradition vieille du XVe siècle.

    Jusque-là, cette pratique était historiquement perpétuée par des hommes, de génération en génération.

    "Les premiers maîtres ne la transmettaient même pas aux fils de leurs filles, seulement aux fils de fils", raconte Mohammad Yaqoob Sheikh, le professeur du quintet, en recevant l'AFP à son domicile en périphérie de Srinagar.

    Lui-même est une exception, ayant appris son art de son grand-père maternel, Ghulam Mohammad Qaleenbaf, l'un des chanteurs soufis les plus connus de la région.

    M. Sheikh a décidé d'enseigner son savoir à la jeune génération de Cachemiris, sans considération de sexe, afin de préserver ce legs culturel de cette vallée himalayenne à la beauté époustouflante.

    En effet, les nouvelles générations se détournent de la musique classique pour se tourner vers le rap protestataire, de plus en plus populaire dans cette zone revendiquée à la fois par l'Inde et le Pakistan et hautement militarisée.

    "Instruire les jeunes garçons et filles avec méthode est le meilleur moyen de préserver cet héritage", explique-t-il.

    - 'Comme des prières' -

    Mais le chemin a été semé d'embûches.

    M. Sheikh a commencé à enseigner à des adolescentes il y a vingt ans, en pleine décennie noire pour la vallée du Cachemire, confrontée alors au pic de l'insurrection séparatiste et à une brutale répression des forces de sécurité indiennes.

    À cette époque, "j'avais l'impression que toute la région partait en fumée. Je voulais faire quelque chose pour sauver le sufiyana", nom de la variante locale de musique soufie, confie le quinquagénaire.

    Il s'est toutefois heurté aussi bien au conservatisme de ses voisins qu'à la méfiance des soldats, qui le soupçonnaient d'endoctriner les collégiennes. Au cours des premières années, il a dû changer quatre fois de lieu pour faire classe.

    Depuis ses débuts, M. Sheikh a initié à la musique soufie une cinquantaine de jeunes filles. Mais seules trois d'entre elles ont continué à pratiquer après leur mariage.

    De l'autre côté de la ligne de démarcation avec le Pakistan, ce genre musical connaît une certaine particularité grâce à une forme hybride de "rock soufi", qui mêle traditions multicentenaires et guitares électriques.

    Mais côté indien, les tensions politiques et sécuritaires étouffent lentement le foisonnant héritage musical du Cachemire.

    Lorsque l'insurrection armée contre l'administration indienne dans la vallée a éclaté en 1989, les concerts se sont arrêtés, les cinémas ont fermé et ont été transformés en camps militaires.

    Auparavant élément incontournable de toute réception mondaine, il est maintenant rare de faire appel à des musiciens soufis.

    "Une fois de temps en temps, nous allons nous produire dans la maison des quelques personnes qui apprécient encore cette musique", dit Mohammad Yaqoob Sheikh.

    "Pour nous, c'est comme des prières. Nous ne pouvons pas fixer de prix. Les gens payent ce qu'ils veulent."

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