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  • © 2016 AFP | Crée le 11.11.2016 à 19h29 | Mis à jour le 11.11.2016 à 19h35
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    Un pêcheur pakistanais utilise une épuisette électrique, le 20 août 2016 pour assommer des poissons dans la rivière Kaboul, près du village Hajji Zain (nord-ouest du Pakistan) A MAJEED-AFP

    Abbas Khan plonge un fil électrique alimenté par un générateur brinquebalant dans l'eau vive, une technique de pêche hasardeuse qui tue des pêcheurs et décime les poissons de la rivière Kaboul, dans le nord-ouest du Pakistan.

    Certes, elle est moins polluante que d'autres, mais elle a déjà coûté la vie à plusieurs de ses amis, admet Abbas Khan.

    Chaque jour, des centaines de pêcheurs risquent tout pour pêcher des "sher mahi". Ces poissons font la renommée de la rivière Kaboul, qui prend sa source dans le massif de l'Hindou Kouch en Afghanistan et se jette dans le fleuve Indus au Pakistan.

    Certains pêcheurs passent leurs journées à cheval sur des chambres à air gonflées, jetant leur filet dans le courant. D'autres ont recours à des techniques plus brutales, et illégales: déverser des pesticides directement dans l'eau ou, comme Abbas Khan, utiliser une espèce d'épuisette électrique pour assommer de petites proies. Les plus pressés pratiquent aussi la pêche à la "bombe Khatin": la dynamite.

    Ces techniques tuent à l'aveugle, mettant en péril la population de sher mahi, s'inquiètent les pêcheurs traditionnels qui vivent de la vente de ce poisson, considéré comme le plus savoureux du nord-ouest pakistanais.

    "Pêcher à la dynamite ou au générateur tue l'espèce", déplore l'un d'eux, Ghani Ur Rehman.

    Depuis 25 ans, il passe des heures chaque jour installé sur une chambre à air, pour pêcher au filet quelques kilos. Il dit gagner de 600 à 1.000 roupies (5 à 9 euros) par jour en moyenne, et jusqu'à 10.000 roupies (87 euros) les bons jours.

    - Poissons assommés -

    "La population de poissons a diminué et la principale raison est l'intensification de la pêche", selon lui.

    Ghani Ur Rehman décharge ses prises sur la berge, où des centaines de visiteurs viennent passer la journée en famille, faire un tour en bateau et barboter avant un solide repas de poisson frais dans une des paillotes le long de la rivière.

    Le plus apprécié est le sher mahi, qui a peu d'arêtes et ressemble un peu à un poisson-chat, d'une longueur maximale de 30 cm. On ne le trouve que dans la rivière Kaboul.

    Selon certains pêcheurs, son nom vient du mot persan "sheer", qui veut dire lait, en raison du moelleux de sa chair grasse.

    Le jeune Abbas Khan, lui, dit ne pêcher que pour le plaisir, tout en admettant que manier le générateur et les fils électriques dans la rivière est "effrayant". Il n'a aucun équipement de sécurité mais assure maîtriser la technique.

    "Certains de mes amis sont morts à cause de l'électro-pêche, mais maintenant nous avons appris et savons comment nous y prendre mieux", explique-t-il, avant de se lancer dans une démonstration à bord d'un bateau en bois aux décors exubérants.

    Il attache des fils électriques à un cercle de fer qu'il glisse dans un filet avant de le plonger dans l'eau.

    "Cela assomme les poissons qui remontent à la surface. Après, il n'y a plus qu'à les ramasser et à les mettre dans une glacière", explique-t-il.

    "Certains utilisent des pesticides, mais cela détruit tous les poissons sans discrimination. Cela empoisonne l'eau et tue tout ce qu'il y a dans la rivière", souligne-t-il.

    - Manque de surveillance -

    L'inquiétude du vieux Rehman et du jeune Khan est partagée par nombre de pêcheurs de Haji Zai, localité située à la périphérie de Peshawar, la capitale de la province du Khyber Pakhtunkhwa.

    La pêche à la dynamite a été interdite par les autorités en 1982, mais elle n'a véritablement diminué qu'après le lancement d'une opération militaire dans les zones tribales adjacentes en 2009, qui a un peu compliqué l'acquisition d'explosifs.

    La pêche au générateur ou aux produits chimiques, également interdite, reste courante.

    Le maire du village, Khair Gul, déplore que les autorités ne prennent pas ces infractions au sérieux. "Nous avons pris des mesures contre (les braconneurs), mais les autorités locales les libèrent pour 400 ou 500 roupies", explique-t-il à l'AFP.

    Surnommé depuis son enfance "Larram", ce qui signifie "scorpion", ce quadragénaire est lui-même un pêcheur enthousiaste.

    "L'utilisation de dynamite, de chocs électriques et de poisons chimiques n'est pas seulement un crime, c'est aussi dangereux pour la santé", souligne-t-il. "Nous voulons que les autorités empêchent cela complètement".

    Pas si simple, répond le département des pêches de la province. Le district de Peshawar, avec 70 km de berges le long de la rivière Kaboul, n'est surveillé que par neuf personnes, sans véhicule ni bateau, souligne Hidayat Shah, un haut fonctionnaire.

    L'équipe de M. Shah a néanmoins réussi à lancer des poursuites contre plus de 60 braconneurs en 2015 et 2016, confisquant 23 générateurs. Mais aucune n'a encore abouti en raison de l'inefficacité du système judiciaire.

    Dans les villes voisines de Charsadda et Nowshera, il y a deux fois moins de gens pour surveiller la pêche, ajoute un autre responsable gouvernemental.

    Pourtant, il n'y a pas de temps à perdre, soulignent les riverains. "Si on ne met pas fin à ces techniques illégales de pêche, on n'aura plus du tout de poisson", s'inquiète un pêcheur, Khad Gul.

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