
Dans cet univers dominé par les hommes, on ne parle pas beaucoup d’elles. Et pourtant. Si aucune femme n’a encore remporté le main event du NCPO (New Caledonia poker open), elles sont chaque année deux ou trois, sur un total de dix joueuses au départ, à se frayer un passage jusqu’à la table finale. Un ratio respectable au regard des 180 joueurs inscrits. Pour cette 5e édition* au Grand Casino, du groupe SHN (Société Les Hôtels de Nouméa), elles sont une vingtaine, dont une dizaine de « locales », sur un total de près de 300 joueurs. Les Calédoniennes occupent régulièrement des places chèrement payées au prizepool des tournois organisés à domicile. Au NCPO comme à l’APT (Asian poker tour). Un niveau qu’elles ont acquis après des années de pratique.
« Une guerre des nerfs »
Au rang des habituées des tables finales, Olivia André, 35 ans, a été piquée par le virus très jeune. « Mon père était un grand joueur, c’est une affaire de famille chez nous ». La sous-représentation des femmes ne l’étonne pas. « C’est peut-être parce que c’est un jeu d’argent, les femmes ont tendance à être plus prudentes avec ça, surtout quand elles ont une famille. »
Mère de deux enfants, elle s’organise chaque année pour ne pas rater le tournoi. Pour elle, il n’y a pas de qualité liée au sexe dans ce jeu qu’elle qualifie de « guerre des nerfs. » « La force physique n’a rien à voir avec le poker. C’est un sport psychologique où on est tous logés à la même enseigne. Les femmes sont peut-être plus patientes, mais dans l’ensemble il n’y a pas de grande différence. » Homme ou femme, les mêmes rouages sont étudiés pour gagner.
« On est beaucoup plus relancées »
« Quand on joue dix heures d’affilée, il faut savoir être patient, commente Sophie Auger, 42 ans. Mais il faut aussi savoir bluffer ou être agressif au bon moment. » Ce qu’on appelle « l’analyse des joueurs », ou la « lecture des cartes » dans le jargon.
Contrairement à sa consœur, elle ne joue que les tournois. « Parce qu’il n’y a pas le pouvoir de l’argent, à l’inverse du cash game. » Libre jeu en français, le cash game permet de reprendre des caves (droit d’entrée), parfois conséquentes. Il s’oppose ainsi au tournoi de poker, qui oblige à se positionner dans les premières places pour remporter un gain.
Si les Calédoniennes se sont imposées sur le tapis, elles ont dû jouer des coudes pour se faire une place parmi les hommes. « Aujourd’hui on se connaît, alors ils se méfient, mais au départ on est beaucoup plus relancées, inconsciemment les hommes se disent qu’on va jeter les cartes plus facilement », admet Sophie. « Ça reste quand même un monde macho, au début on ramasse un peu, on prend sur soi, abonde Olivia. Mais aujourd’hui ça se démocratise, et puis maintenant on fait partie des meubles. »
* La finale se tiendra demain soir au Grand Casino