
Alors qu’on attend des journées noires pour le trafic ferroviaire en France, la grève des cheminots contre le projet de réforme de la SNCF fait les affaires des alternatives au rail.
C’est notamment le cas du covoiturage, en plein boom, mais encore très minoritaire dans les trajets du quotidien.
« Cela permet de faire connaître le service », reconnaît Julien Honnart, président et fondateur de Klaxit. Hier, « par rapport à un mardi classique, on a fait deux fois plus de réservations », explique-t-il, tout en soulignant qu’il reste encore des places dans les voitures.
On « peut absorber beaucoup de trafic », assure-t-il.
Les covoitureurs transportent en moyenne environ un passager par voiture, mais il y a souvent au moins deux ou trois places disponibles, explique le patron de cette start-up, spécialiste du covoiturage domicile-travail, qui propose plus de 120 000 trajets chaque jour dans l’ensemble du pays.
M. Honnart conseille cependant « d’anticiper au maximum les réservations ». Ce n’est pas un service de taxi ou VTC, « vous n’avez pas un chauffeur à votre disposition, mais un conducteur qui, comme vous, va au travail tous les matins, donc plus vous le prévenez à l’avance, plus vous avez de chances qu’il accepte votre proposition », souligne-t-il.
« Solidarité civique »
Ces nouveaux services ont été promus par Guillaume Pepy, le patron de la SNCF, active sur ce marché à travers la filiale iDVROOM. « La solution alternative, maintenant, c’est le covoiturage », a-t-il lancé la semaine dernière sur France Inter. La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a mis en avant la gratuité du covoiturage pendant les grèves, tout en lançant un appel aux conducteurs. « Tous ceux qui prennent leur voiture les jours de grève, s’il vous plaît, solidarité civique, inscrivez-vous sur des plateformes […], prenez des passagers avec vous », a-t-elle demandé.
Le site Internet vianavigo.com donne accès à huit plateformes partenaires en région parisienne. Outre Klaxit et iDVROOM, on retrouve BlaBlaLines, Clem’ Covoit’ici, Karos, Ouihop et Roulez Malin.
En complément, le site Internet autostop-citoyen.fr, lancé fin mars, se veut « une démarche d’entraide » et propose aux personnes intéressées de partager leurs trajets sur les réseaux sociaux, « sans intermédiaire, sans formalité ».
Des élus ont décidé d’encourager le mouvement. Dans l’Essonne, la communauté d’agglomération du Val d’Yerres Val de Seine a ainsi mis en place neuf points de rencontre pour les covoitureurs.
« Cars Macron »
Pour les trajets interurbains, les sociétés d’autocars qui se sont multipliées depuis la libéralisation du secteur vont renforcer leurs services pour remplacer des trains. Parmi les trois compagnies de « cars Macron » actives en France, Isilines, filiale du groupe Transdev, a vu ses réservations « tripler par rapport à la normale, sur l’ensemble des lignes, tant pour les courtes distances que les Paris-Lyon ou Paris-Marseille », selon son directeur général, Hugo Roncal.
« Sur ces deux jours de grève, nous avons plusieurs dizaines de milliers de passagers en plus, c’est un niveau comparable à celui d’un 23 décembre ou une veille de 14 juillet », indique-t-il.
Isilines, qui exploite une centaine d’autocars au quotidien, va doubler ou tripler son offre, en mettant deux ou trois autocars au lieu d’un au départ de certains trajets. « Mais il faut relativiser : 4,5 millions de personnes prennent le train tous les jours, et nous en transportons 8 millions… en un an ! », souligne M. Roncal.
Du côté du concurrent FlixBus, les réservations ont bondi de 60 % pour la journée d’hier. « Nous étions à + 40 % jeudi soir, et là on a beaucoup, beaucoup, beaucoup de réservations de dernière minute », cite Yvan Lefranc-Morin, directeur général de FlixBus France. La société a mis trois cents en circulation hier, soit cinquante de plus qu’en temps ordinaire.
Elle constate déjà des réservations en hausse de 30 % pour les 8 et 9 avril, les deux prochains jours de grève.
1,2 à 2,4 milliards par jour
C’est ce que pourrait coûter, en francs, chaque jour de grève selon Alain Krakovitch, directeur général de Transilien.
Tenir bon
Le gouvernement « tiendra bon, dans l’écoute, dans la concertation, dans le dialogue », a déclaré hier la ministre des Transports, Elisabeth Borne, au premier jour de la mobilisation des cheminots contre la réforme de la SNCF. Sur la raison de cette grève justifiée, la ministre a répondu que, « personne ne peut comprendre », alors qu’elle a annoncé « deux mois de concertation » et des « avancées » sur l’ouverture à la concurrence.
Feuille blanche
Philippe Martinez, numéro un de la CGT, a qualifié hier de très massive la grève des cheminots qui a débuté lundi. Il a appelé le gouvernement à repartir d’une feuille blanche sur sa réforme de la SNCF. Les syndicats de la SNCF ont lancé une grève deux jours sur cinq jusqu’à la fin juin, soit 36 jours au total.
Une bataille
L’ancien ministre des Transports Dominique Bussereau (ex-LR) a affirmé hier que le mouvement de grève à la SNCF est « une bataille politique » dans laquelle Emmanuel Macron et le gouvernement seront « jugés ». Il a estimé que la réforme était bonne mais qu’il faut aussi « respecter les cheminots ».