Le « oui » à la légalisation a fait son chemin dans l’opinion publique ces dernières années, porté par le mouvement féministe #NiUnaMenos, mobilisé également contre les violences faites aux femmes. Mais cet élan se heurte à la résistance des autorités religieuses. L’avortement peut-il être légalisé en Argentine, alors même que le pape est argentin ?
« Cela complique les choses, estime la sociologue Sol Prieto, de l’Université de Buenos Aires. Mais si l’avortement a été légalisé en Italie, où se situe le pouvoir de l’Eglise, je ne vois pas pourquoi cela représenterait une plus grande difficulté en Argentine. »
Les sondages donnent un avantage au « oui » mais à la chambre des députés, le « non » semble légèrement devant (117 contre 111), alors qu’une vingtaine de députés n’ont pas fait connaître leur position.
« L’Eglise n’a plus le monopole, la dynamique religieuse évolue ces derniers temps en Argentine, observe la sociologue. Je ne sais pas si la loi sera adoptée, mais si elle n’est pas votée cette fois, il ne faudra pas attendre longtemps pour qu’elle le soit. C’est un mouvement qu’on ne peut pas arrêter ».
La mobilisation s’est accentuée au fil des mois et la légalisation de l’avortement dans un autre pays à forte tradition catholique, l’Irlande, donne de l’espoir aux Argentines.
Menaces
d’excommunication
De leur côté, les opposantes au texte défilent au nom de « Sauvons les deux vies ». La vice-présidente argentine Gabriela Michetti s’est engagée contre la loi. Plutôt que d’avorter, plaide-t-elle, « si une femme ne veut pas être mère, quel que soit le motif, elle peut confier l’enfant en adoption ».
Le pape François dit ne pas vouloir se mêler des affaires de pays souverains mais quand il s’agit d’avortement, il fait une entorse à ses principes. Il a adressé une carte aux catholiques argentins, les appelant à se mobiliser contre le projet de loi que le parlement a commencé à examiner.
La conférence épiscopale argentine est à la manœuvre et le primat d’Argentine Mgr Poli ne ménage pas ses efforts. « Le pape vote à distance, ironisait dimanche le journal Perfil, le pape a activé comme jamais son pouvoir de conviction et ses contacts pour que le Congrès n’approuve pas la loi. »
Une mobilisation interreligieuse a même rassemblé à Buenos Aires catholiques, musulmans, juifs, protestants et bouddhistes pour dire « non » au projet de loi. Pour la députée de centre-gauche Victoria Donda, l’Eglise mène une « campagne de menaces » d’excommunication contre les promoteurs du projet de loi.
La première victoire pour les partisans du droit à l’avortement, c’est que le débat puisse avoir lieu au parlement, un fait historique, à l’initiative du président de centre-droit Mauricio Macri, pourtant hostile à l’avortement à titre personnel.
L’examen du projet de loi par les 257 députés devait commencer hier en début d’après-midi. Le résultat du vote devait être connu dans la journée.