
Alors que résonnent ses chansons, des centaines d’Arméniens se sont rassemblés lundi à Erevan pour pleurer le « fils du peuple ».
Un écran géant a été installé dans le centre de la capitale, montrant des photographies d’Aznavour, tandis que toutes les chaînes diffusaient ses chansons et des sujets lui étant consacrés.
« Toute ma jeunesse, mon premier amour, la première déception : tous les moments d’émotion dans ma vie se sont déroulés avec la musique d’Aznavour. J’écoutais ses chansons quand je voulais pleurer ou boire du vin et être romantique. Sa personne et ses yeux tristes vont me manquer », abonde Elena Aroutiounian, 62 ans.
« Le plus français
des Arméniens »
Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a déposé dans la soirée sur la place portant le nom du chanteur, aux côtés de l’ambassadeur de France en Arménie, Jonathan Lacôte, des bougies et des fleurs.
« Un jour de deuil national sera décrété en Arménie le jour des funérailles d’Aznavour. Nous devions nous rencontrer dans le cadre du sommet de la francophonie en Arménie, mais cette rencontre n’aura malheureusement pas lieu », a regretté M. Pachinian, arrivé au pouvoir en mai.
Charles Aznavour, Charles Varenagh Aznavourian de son vrai nom, était l’un des représentants les plus symboliques de la diaspora arménienne, le pays de ses parents, avec lequel il a entretenu des liens étroits tout au long de sa vie. Il y était souvent qualifié de « grand fils du peuple arménien ». La manifestation la plus tangible des liens entre Aznavour et l’Arménie reste le comité fondé pour collecter des fonds après le terrible séisme dans le nord du pays en décembre 1988.
Début 1989, il écrit la chanson Pour toi Arménie, sur une musique de son ami, le compositeur français d’origine arménienne Georges Garvarentz. Elle est enregistrée avec 90 artistes et se vendra à plus d’un million d’exemplaires, ce qui permettra de financer une fondation pour venir en aide aux sinistrés.
« Lorsqu’on entendait cette chanson, nous avions l’impression de ne pas être seuls avec notre chagrin dans ce monde immense. Grâce à Charles, le monde a découvert les Arméniens et notre voix a été entendue », se souvient Aram Danielian, 56 ans.
Le chanteur se rendait souvent à Erevan pour honorer la mémoire des victimes du génocide arménien, et nombre de ses compatriotes se souviennent de son interprétation d’Ave Maria devant le feu éternel, tenant avec difficulté le micro dans ses mains, les larmes aux yeux.
un Monument national
« Je suis peut-être le plus Français de tous les Arméniens du monde, mais je suis fier de mon Arménie et je ne le cacherai jamais », disait Aznavour.
Il avait d’ailleurs été nommé ambassadeur permanent de l’Arménie auprès de l’Unesco et ambassadeur de l’Arménie en Suisse.
Des places, des théâtres, des musées en Arménie portent le nom de Charles Aznavour, qui a été fait « Héros national » en 2004. Une statue a été érigée à son effigie dans la deuxième ville du pays, Gyumri.
Nikol Pachinian a regretté une « perte énorme pour le monde », saluant une personne « qui a pendant quatre-vingts ans émerveillé et réchauffé le cœur de centaines de millions de personnes ». Charles Aznavour devait d’ailleurs chanter à Erevan lors du sommet de la francophonie, prévu les 11 et 12 octobre, à l’invitation du président Emmanuel Macron.