« La technologie va-t-elle tuer la démocratie ? » L’édition 2018 du « Davos des geeks » doit accueillir jusqu’à jeudi 70 000 participants, dont 2 000 start-up et 1 500 investisseurs à la recherche de partenaires.
Mais cette année, les têtes d’affiche des conférences ont été invitées en qualité de boussole morale, pour un monde numérique qui a la gueule de bois.
Tim Berners-Lee, un des pionniers de l’Internet, a ainsi ouvert le bal lundi sous les ovations de milliers de participants lors de la soirée d’ouverture, en lançant un nouveau « contrat pour le Web » censé rendre Internet sûr et accessible à tous.
Monopoles
Le physicien britannique, qui avait imaginé en 1989 un « système de gestion décentralisée de l’information » - l’acte de naissance du Web - constate qu’Internet s’est considérablement éloigné des idéaux de fondateurs comme lui : « Beaucoup de choses ont mal tourné… Nous avons des fake news, des problèmes de respect de la vie privée, des personnes qui sont manipulées », a-t-il déclaré.
Sa fondation dénonce aussi l’extrême concentration qui s’est produite sur Internet. De nombreuses personnalités critiquent aujourd’hui ouvertement la centralisation d’internet aux mains de quelques géants - les GAFA américains (Google, Apple, Facebook, Amazon) et les Chinois Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi ou BATX.
Ces firmes ont acquis des quasi-monopoles chacune dans leur domaine, et une puissance économique qui se traduit par un fort pouvoir politique, bien loin des objectifs qui ont animé les débuts d’Internet.
« Aujourd’hui tout le monde a une voix, […] mais, malheureusement, ce sont les voix les plus bruyantes et souvent les plus violentes qui sont amplifiées parce que les choses les plus négatives, les plus effrayantes attirent notre attention », estime Mitchell Baker, la présidente de la fondation Mozilla.
Comme l’imprimerie
« On traverse un trou d’air, admet Paddy Cosgrave, fondateur et patron du Web Summit. C’est une période de réflexion. Toutes les nouvelles technologies connaissent des cycles similaires. Quand l’imprimerie a été inventée, l’excitation initiale a été remplacée par la peur des conséquences potentiellement néfastes. Et finalement ça s’est bien passé. » Repentis ou déçus, les pionniers du Web entendent profiter de ce Web Summit pour démontrer que le rêve d’un internet qui tirerait le meilleur de nous-mêmes peut encore se réaliser.
Un Français a porté plainte lundi pour « mise en danger de la vie d’autrui » contre YouTube, Whatsapp, un site de rencontres pour adolescents et contre l’Etat après le décès de son fils de 14 ans mi-octobre. Retrouvé dans sa chambre, pendu avec sa ceinture de kimono, Kendal, bien inséré dans la vie et plein de projets, aurait été pris au piège via Momo Challenge. Accessible par WhatsApp, ce jeu macabre pousse les participants à commettre des actes dangereux pouvant aller jusqu’à la mort.