« Il a fallu huit impacts de Taser pour parvenir à vous immobiliser et vous interpeller », a rappelé le procureur de la République, Philippe Pommereul. C’est dire si le jeune homme, petit mais musclé qui se tient à la barre du tribunal correctionnel de Nouméa, était « déchaîné », en « furie », « hystérique » à l’idée d’être contrôlé par les policiers, samedi à Nouville. « Il a pensé qu’il retournerait en prison. Il a pris peur. Il est traumatisé par le Camp-Est », a défendu son avocate, Me Charlotte Rolin.
Vous aimez la prison ?
L’histoire commence donc samedi. À Nouville, une voiture, transportant cinq personnes, zigzague sur les routes de la presqu’île. Les policiers en patrouille dans le secteur décident de contrôler l’automobiliste. Permis de conduire, carte grise, les papiers du véhicule sont réclamés. Mais la discussion s’envenime rapidement. Le prévenu au volant, ivre et sans permis, s’impatiente. Il dit que la voiture appartient à l’un de ses cousins qui est sur la plage, non loin de là. Puis, tout bascule. L’homme, âgé de 26 ans et originaire de la tribu de Moméa, à Moindou, sort de la voiture. « Bousculades, manchettes du bras, coups de poing, de pied, injures à caractère racial… », résume l’avocat des policiers, Me Frédéric de Greslan. Les forces de l’ordre ont bien du mal à maîtriser le jeune homme. À l’intérieur du véhicule, les quatre passagères supplient le conducteur de se calmer et d’arrêter de donner des coups. « Mais comment expliquez-vous cet emballement ? », se demande la présidente du tribunal qui insiste sur le fait que les gardiens de la paix « n’ont fait que leur travail » et que « vous auriez pu éventuellement tuer les passagers en conduisant ivre ». Un des magistrats assesseurs : « Vous aimez la prison ? ». « Non ». « Pourquoi faites-vous tout pour y retourner, alors ? ». « C’est possible d’avoir un bracelet ? ». La réponse agace particulièrement la présidente, « vous avez été condamné l’année dernière pour évasion sous PSE [placement sous surveillance électronique, NDLR] ». Pire, l’administration venait de lui retirer le bracelet le 16 juillet… soit neuf jours avant le contrôle. Connu de la justice depuis 2012, il « ne s’amende pas malgré le temps qui passe », souligne Me de Greslan. Le procureur de la République ne comprend pas non plus, « que cherchait-il, à part retourner au Camp-Est ? ». Le décrivant comme « un homme dangereux lorsqu’il est à l’extérieur », le parquet requiert à son encontre trente mois de prison dont dix-huit avec sursis. Le prévenu est, au contraire, en passe « de s’en sortir », estime Me Rolin. Qui n’oublie pas de préciser que « c’est lui qui a été le plus violemment frappé dans cette histoire. Il a subi des coups de Taser au niveau du cou et du visage ».
Après en avoir délibéré, le tribunal décide de renvoyer le jeune homme au Camp-Est pour dix-huit mois. Il a l’interdiction, en outre, de détenir ou de porter une arme pendant cinq ans.