
Une fracture de l’extrémité de l’humérus gauche au cœur des débats. Le tribunal administratif de Nouméa s’est penché, hier, sur un litige peu commun entre une femme de 75 ans, la commune de Nouméa et le centre hospitalier territorial (CHT) de Nouvelle-Calédonie. L’affaire remonte au 21 janvier 2018, jour durant lequel cette septuagénaire est victime d’un malaise à son domicile. Les pompiers et le Smur sont requis pour secourir la victime. Celle-ci est prise en charge et conduite aux urgences du Médipôle. L’intervention des secours est aujourd’hui pointée du doigt.
Car à son arrivée à l’hôpital de Koutio, la malheureuse s’est plainte de douleurs au dos et à l’épaule, constatant avec surprise deux gros hématomes sur ses bras. Ce n’est que le lendemain, et alors que les douleurs persistaient, que les médecins ont décelé chez la patiente une fracture de l’épaule. Après avoir sollicité une expertise médicale via le juge des référés, la septuagénaire a estimé que la blessure devait être attribuée à un dysfonctionnement des services de pompiers et hospitaliers, demandant donc la condamnation conjointe de la ville de Nouméa et du CHT à lui verser 1 950 000 francs de dommages et intérêts.
Dans un rapport lu par Nathalie Preuvel, rapporteur public, l’expert médical évoque « des hématomes circulaires au niveau des bras et s’observent lors d’une striction très serrée, telle une empoignade puissante et forte. Cette empoignade trop appuyée est survenue lors d’un des deux brancardages et/ou manipulation de la victime et est à l’origine de la fracture qui survient par ailleurs sur un terrain ostéoporotique favorisant ». La position du conseil de la retraitée est limpide, « cette empoignade est un manquement et un dysfonctionnement dans la prise en charge de Madame par les services municipaux et hospitaliers, assure Me Loïc Pieux. Il y a une faute qui a pu être commise par les pompiers, le Smur ou les équipes du CHT. Mais quoi qu’il en soit, la faute existe et est due à une mauvaise organisation et un mauvais fonctionnement du service public. »
La rapporteur public s’est appuyé sur l’analyse du médecin pour écarter « les arguments de la commune de Nouméa selon lesquels aucun élément du dossier ne permet d’établir que les sapeurs-pompiers seraient responsables d’une empoignade trop forte ayant eu pour effet de provoquer une fracture [...] et que cet accident aurait tout aussi bien pu se produire au domicile de la requérante lorsqu’elle a perdu connaissance ». Et la magistrate d’ajouter qu’il est à la charge de la commune « de se retourner vers le centre hospitalier » pour « demander un partage de responsabilité ».
En revanche, la magistrate Nathalie Preuvel a préconisé de n’allouer à la retraitée de 75 ans qu’une indemnité de presque 800 000 francs dont la moitié au titre « des souffrances endurées » et de « l’atteinte à l’intégrité physique et psychique ». Et de rejeter « l’indemnisation d’un préjudice moral qu’elle aurait subi dû à l’accident dont elle a été victime, lequel n’est au demeurant pas la cause de son hospitalisation ». Le tribunal administratif rendra son jugement le 31 octobre prochain.