L'État est signataire et partenaire de l'accord de Nouméa. Il tiendra parole en fonction de ce que demandera le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Force est de constater que cette date symbolique du 4 avril arrive dans un moment singulier. Moment singulier parce que nous sortons progressivement du confinement, mesure nécessaire pour protéger le Caillou de l'épidémie de Covid-19, qui en avait été épargné. Moment singulier aussi, à ce stade, avec l'exercice d'un gouvernement provisoire. D'ailleurs, je tiens à rendre hommage au gouvernement de Thierry Santa, qui dirige les affaires de la Nouvelle-Calédonie pendant cette période avec constance et engagement. Enfin, moment singulier parce que nous sortons d'une longue période de troubles sur le terrain du nickel.
Il ne faut pas être tétanisé par cette date du 4 avril. Au contraire, il faut avancer. Je l'ai toujours dit : nous arrivons à la fin de cet accord, quelle qu'en soit l'issue. C'est pour cela que, avec le président de la République et le Premier ministre, nous estimons que le moment est venu de nous retrouver, comme nous nous étions retrouvés en octobre 2020 lors de mon déplacement sur le territoire, pour approfondir nos derniers échanges et discuter de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Ainsi, le Premier ministre, au nom du gouvernement, a adressé une invitation pour que les différents acteurs politiques calédoniens se retrouvent à Paris.
Nous leur avons proposé de venir à Paris du 25 mai au 3 juin, une plage durant laquelle le gouvernement se rendra disponible. Ce sera le moment de parler de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Cela passera entre autres par une séquence avec le président de la République qui rencontrera les délégations calédoniennes. Cette invitation s'adresse bien sûr d'abord à nos interlocuteurs du « format Leprédour », qui sont connus [cinq dirigeants loyalistes et cinq responsables indépendantistes avec lesquels le dialogue avait été engagé en octobre 2020]. Des questions inédites sont devant nous. Nous souhaitons pendant cette semaine de travail tirer un bilan des deux premières consultations, évoquer de nouveaux sujets d'actualité et se projeter dans l'avenir. Au fond, c'est lors du quinquennat d'Emmanuel Macron que nous assumons la fin de l'accord de Nouméa, avec d'ores et déjà deux consultations. Il nous revient désormais de travailler sur cet exercice bien particulier : envisager les conséquences du oui et du non, ce que jusqu'à présent tout le monde s'était bien gardé de faire. C'est un moment de vérité.
Nous avons fait travailler les services de l'État sur les implications en matières monétaire, bancaire, sur le nickel, sur le lien avec la République, les questions de citoyenneté, les questions régaliennes... Tous ces documents seront communiqués et pourront être consultés par les différents acteurs. L'État est évidemment neutre dans l'organisation du scrutin. Le gouvernement, lui, peut manifester des préférences et des orientations politiques. D'ailleurs, cela ne concerne pas que le gouvernement. Cela concerne aussi les formations politiques nationales, que je consulterai le cas échéant. L'Assemblée nationale et le Sénat auront aussi leur mot à dire. On se doit d'envisager le oui et le non. Cela ne veut pas dire que l'on travaille pour la réussite d'une réponse sur une autre. On ne peut simplement pas convoquer une troisième fois le corps électoral pour lui poser une question aussi grave sans avoir ce moment de transparence et de réflexion.
Je ne suis pas aussi catégorique. Déjà, le dialogue n'a jamais été rompu. Je n'ai jamais cessé de dialoguer avec l'ensemble des acteurs politiques calédoniens. C'est le dialogue à trois qui n'était plus possible... Le dossier de l'usine du Sud est aussi venu percuter ce processus. On a suffisamment dit auparavant que l'État était trop en retrait. Pourtant, gouvernement et État, nous sommes bien là et avons toujours été là : j'en ai fait la démonstration avec mon déplacement en octobre et aujourd'hui avec cette invitation à Paris. J'ai la conviction que tous les acteurs de ce dossier seront au rendez-vous de ce moment décisif.
Le Congrès calédonien doit déjà demander ce troisième référendum et, si c'est le cas, le gouvernement fixera la date en fonction d'un calendrier qui est déjà serré. Deux choses sont certaines : d'une part, il ne doit pas y avoir de recouvrement entre les campagnes officielles référendaire et présidentielle. D'autre part, et c'est un engagement que j'ai pris en octobre : nous devons d'abord travailler à expliquer les enjeux de ce choix : c'est le fameux travail du "oui" et du "non" auquel j'appelle inlassablement les responsables politiques calédoniens. Ce travail doit aboutir avant la troisième consultation. Les Calédoniennes et les Calédoniens ont le droit de savoir pour quoi ils votent ! Ils le demandent d'ailleurs clairement dans la consultation de la société civile qui se termine.
J'entends être un acteur du dossier et pas un commentateur. Déjà, les lignes de partage ne sont pas là où on le croit toujours. Ceux-là mêmes qui réclament la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie en sont venus à réclamer la nationalisation de cette usine du Sud.
Si au lendemain de la signature de l'accord de Nouméa en 1998, on nous avait dit que des forces politiques calédoniennes réclameraient la nationalisation d'un outil de production privé... On a vu renaître des clivages idéologiques qui n'avaient rien à voir avec les clivages traditionnels entre indépendantistes et partisans de la France : c'était plutôt entre les partisans d'une économie libérale et d'une économie administrée. On voit bien que la notion de provincialisation est intéressante sur le terrain institutionnel, mais quand on parle de répartition de la richesse, les questions concernent le pays dans son ensemble. Enfin, tout le monde attend un seul acteur : l'État. Pour les vaccins, il faut l'État ; pour la reprise de l'usine du Sud, il faut l'État ; pour mettre tout le monde autour de la table, il faut l'État... On voit bien que l'autonomie fiscale atteint parfois ses limites quand il y a un coup dur - en l'occurrence la crise sanitaire. Là encore, l'État sera au rendez-vous : nous allons aider la Nouvelle-Calédonie en débloquant 82 millions d'euros, soit près de dix milliards de francs CFP pour contribuer aux dépenses engagées par la crise sanitaire. Cela a un nom : la solidarité nationale.
Comparaison n'est pas raison. Si le nickel revêt un caractère politique, tout n'est pas politique dans le nickel. Vous évoquez la composition du nouveau gouvernement calédonien. Je ne fais pas d'ingérence. Je forme juste le vœu que nous ayons un gouvernement le plus vite possible, quel qu'il soit, pour gérer les urgences, pour la vie quotidienne, qui n'ont d'ailleurs pas toujours grand-chose à voir avec l'avenir institutionnel. Qu'il se conclue dans un sens ou dans un autre ne me regarde pas.
En plus des expositions financières et fiscales, et sans lesquelles cette reprise n'aurait pas pu avoir lieu, nous avons conduit deux types d'actions. Les équipes de Bruno Le Maire, à Bercy, ont apporté leur expertise dans ce dossier complexe et nous avons déployé une énergie politique pour discuter avec les uns et les autres. Il faut reconnaître que Sonia Backès [présidente de la province Sud] et Roch Wamytan [président du Congrès] ont eu du courage en prenant leur responsabilité politique. Ils ont pris des risques en signant l'accord politique du 4 mars qui a permis de débloquer la situation.
Le deal obtenu sur Vale crée de nouvelles perspectives pour le nickel en Nouvelle-Calédonie. Lors de la visite à Paris, il va falloir aussi que nous parlions de l'avenir de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie. Le marché du nickel est confronté à une évolution qui, elle non plus, n'a rien à voir avec le contexte des accords de 1998. Dire que le nickel offre les mêmes promesses aujourd'hui qu'il y a trente ans serait mentir. Il nous faudra donc parler de l'avenir des trois usines.
Oui. C'est une compétence avant tout calédonienne. Mais il faut prendre en compte que ces usines ne produisent pas le même nickel. On peut parler de deux usines plus une, car il y en a une très ancienne et deux plus récentes, celle dont l'État est actionnaire minoritaire. Deux usines plus une, car l'usine du Sud ne produit pas le même nickel que les autres. Leurs compétiteurs internationaux ne sont pas les mêmes non plus.
J'ai l'humilité de beaucoup écouter toutes celles et ceux qui connaissent bien l'histoire contemporaine calédonienne. Si on veut comprendre ce qui se passera demain, c'est mieux de savoir ce qui s'est passé hier. Mais connaître le passé ne veut pas dire qu'il faut reproduire l'histoire. Replacer systématiquement la Calédonie dans les années 1980 c'est ne pas voir que beaucoup de paramètres ont changé. Cela suscite une exaspération et une incompréhension de la jeunesse du pays. La moitié des Calédoniens ont moins de 30 ans. Le monde a tellement changé.
Au lendemain de la cession officielle de l'usine du Sud, le ministre a rappelé que l'opération est « soutenue massivement par l'État à travers un apport de près de 500 millions d'euros, via notamment un prêt et une garantie, qui ont été autorisés par le Parlement en loi de finances pour 2021 ».
Les responsables politiques sont invités du 25 mai au 3 juin à se rendre à Paris pour échanger sur l'avenir institutionnel.