La chose paraît inimaginable, maintenant que le bagne a son musée. En d’autres temps, l’Association témoignage d’un passé (Atup) a prêché dans le désert. En 1975, année de sa création, "les gens n’étaient pas vraiment attachés au patrimoine. On ne gardait pas toujours les documents familiaux, les vieux objets… Dans ma famille, on a mis des trésors à la benne", admet Yves Mermoud, la mort dans l’âme.

Déclarant la guerre à la destruction des archives, résolus à faire changer les Calédoniens, les fondateurs s’étaient rapidement rendus à l’évidence. "Nous avions, et nous avons encore besoin de la presse pour défendre le patrimoine, pour faire prendre conscience à la population de l’importance de le préserver."

Bernard Villechalanne, membre fondateur d’Atup et journaliste à La France australe, a signé quelques-uns des premiers articles sur la demande de réhabilitation de la maison Célières. Les séries devaient s’enchaîner : dans les Nouvelles, les Objets du passé (sous la plume d’Henri Lepot), l’histoire des quartiers de Nouméa (à plusieurs reprises). Dans Dimanche Matin, les sagas de 100 "grandes familles calédoniennes", recueillis dans deux tomes (1998 et 2000).

Dans Les Nouvelles encore, les parutions hebdomadaires Destins de familles, devenues Le Bagne en héritage, recueil paru fin 2017. Le changement sémantique est révélateur : en deux petites années, le mot "bagne" a perdu en sensibilité, la parole s’est libérée. "Des familles qui étaient dans les sagas ont témoigné en disant, cette fois-ci, toute la vérité sur le passé de bagnard de leur ancêtre", savoure Yves Mermoud. Il est formel. "Dix ans plus tôt, on n’aurait pas pu faire un tel ouvrage."