Au Qatar, dans le stade Al Janoub d’Al Wakrah, écrin de 40 000 places sorti du désert, les Bleus ont rendez-vous avec l’histoire : offrir une troisième étoile au football tricolore et devenir la première sélection à conserver son titre mondial depuis le Brésil du "Roi" Pelé en 1962.
Autour de Didier Deschamps, sacré en tant que capitaine en 1998, puis comme sélectionneur en 2018, les vingt-cinq joueurs tentent d’ignorer l’encombrante pancarte qui pèse à chaque tournoi sur les champions en titre. Certains comme le phénomène Kylian Mbappé, joyau du Mondial russe devenu star planétaire, semblent avoir les épaules assez larges pour assumer ce poids. D’autres, comme Paul Pogba, N’Golo Kanté et le Ballon d’Or Benzema, ne seront d’aucune aide : ils se sont ensablés sur la route de Doha, rattrapés par les blessures.
"La difficulté, c’est qu’on ne peut pas aller plus haut. On ne peut faire qu’aussi bien, a constaté Didier Deschamps avant le tournoi. Nous sommes devant une page blanche, avec une nouvelle histoire à écrire, forcément différente."
Le fardeau du tenant du titre a été fatal lors des trois derniers Mondiaux : ni l’Italie en 2010, ni l’Espagne en 2014, ni l’Allemagne en 2018 ne sont sorties de la phase de groupes quatre ans après leur sacre. Les Bleus "black-blanc-beur" de Zinédine Zidane, Fabien Barthez et Lilian Thuram avaient connu pareille désillusion en 2002, brutalement ramenés sur terre par le Sénégal (0-1), l'Uruguay (0-0) et le Danemark (0-2).
L'Australie ravive toutefois un souvenir plus heureux, celui du Mondial russe débuté contre ces mêmes "Socceroos" par une victoire poussive (2-1). L'entrée en matière, inquiétante, avait conduit "DD" à modifier ensuite son équipe-type, trouvant le "onze" parfait dès la deuxième rencontre.
Mais la donne a changé : sur les 25 Tricolores, seuls 10 ont connu la gloire à Moscou. "Il y a une part d’inconnue", a reconnu le capitaine et gardien Hugo Lloris (139 sélections), qui peut devenir le Français le plus capé de l’histoire durant le tournoi, devant Thuram (142). Mais "on continue de croire en nos chances, en notre groupe, en notre aventure".
A 54 ans, Didier Deschamps devra trouver l’alliage parfait entre l’expérience des champions de Russie – Kylian Mbappé, Olivier Giroud et Antoine Griezmann en attaque, Raphaël Varane, Benjamin Pavard et Lucas Hernandez en défense – et la jeunesse d’Ibrahima Konaté (23 ans) ou Dayot Upamecano (24 ans), probables titulaires mercredi.
En fin de contrat après le tournoi et sans certitudes sur son avenir, Didier Deschamps compte aussi sur la confirmation de talents trop intermittents, comme celui d’Ousmane Dembélé, attendu parmi les onze titulaires. Et sans N’Golo Kanté ni Paul Pogba, les clés du milieu de terrain reviennent à Aurélien Tchouaméni et à Adrien Rabiot. "Je me sens en mesure de montrer l’exemple", a assuré le second à l’aube de son premier Mondial.
Toujours considérée parmi les favorites de ce tournoi atypique programmé en fin d’année civile, assez préservée au tirage avec l’Australie, le Danemark et la Tunisie dans son groupe D, la France ressemble pourtant à un boxeur groggy. L’élimination dès les 8es de finale de l’Euro, en juin 2021, lui a fait du mal, et l’inquiétante série actuelle d’une victoire en six matchs a fait oublier le titre honorifique en Ligue des nations, décroché à l’automne 2021.
Les blessures (Benzema, Kanté, Pogba, mais aussi Maignan, Nkunku et Kimpembe) ont aussi pollué les dernières semaines, avec une seule bonne nouvelle, le retour du vice-capitaine Raphaël Varane. Au milieu de la brume qatarie, les deux étoiles ont pâli. Aux Bleus de leur redonner de l’éclat.