Dans un bac en plastique, des vieux forets mangés par la rouille sont entassés en attendant d’être traités. Dans quelques heures, ils devraient avoir retrouvé leurs lignes de jeunesse, après être passés par les mains et les machines de Cédric Zimmer. "Il y en a pour 200 000 balles d’outillage", lâche le nouvel affûteur de la place en pointant les mèches abîmées. Quarante forets épargnés d’un tour à la déchetterie.
Un geste trop rare, selon l’artisan. "Les gens doivent arrêter de jeter systématiquement, l’affûtage peut permettre d’allonger la durée de vie de ce genre d’outils." Un message que l’homme de 42 ans essaie de transmettre partout où il passe, au volant de son atelier ambulant.
Cédric Zimmer l’a ouvert il y a un peu plus de deux mois sous le nom de Blade, après des semaines à l’aménager et à y installer les dix machines qu’il a fait venir de l’Hexagone. Depuis, il va au contact "des sculpteurs, des artisans, des acteurs de l’agroalimentaire, des travailleurs du bois…", tous ceux qui, de près ou de loin, sont susceptibles d’utiliser quelque chose qui coupe ou qui perce. L’affûteur s’occupe aussi des outils et des ustensiles des particuliers qui le contactent.
C’est sa passion des haches et de la forge en général qui a poussé Cédric Zimmer à abandonner sa vie de commercial, ajoutée à la lassitude d’un statut de salarié. "J’en avais marre d’être tributaire d’un patron."
Après vingt ans de Calédonie, direction la Suède pour se former au travail du métal pendant un an, avant un passage de deux ans dans l’Hexagone pour apprendre l’affûtage et la coutellerie.
De retour sur le Caillou, il "prospecte tous les jours" en quête de lames fatiguées auxquelles offrir une nouvelle vie. "Il y a beaucoup de secteurs concernés par le besoin d’affûtage, ça ne se résume pas qu’aux couteaux", souligne Cédric Zimmer, en tirant d’un seau des chaînes de tronçonneuse en sale état.
"C’est ce qui est intéressant, le métier est très varié finalement." D’autant qu’il ne consiste pas seulement à reprendre une lame. "Il y a une grande partie de nettoyage" mais aussi un échange avec le client "pour comprendre comment est utilisée la lame ou l’outil, savoir pour quel bois ou quel aliment, etc." Une proximité facilitée par son camion ambulant avec lequel il sillonne les routes du pays, parfois "jusqu’à Koumac".
"Je travaille quasiment toujours sur place", dans son petit atelier sur roues de trois m2. "J’aimerais arriver à quatre clients par jour." Une limite pour ne pas sacrifier la qualité de son travail. Car pas question pour l’affûteur de passer "moins de 1h-1h30 pour 10 couteaux".
Mais Cédric Zimmer voit plus loin que son simple camion aménagé. À terme, c’est une forge que le passionné de métal compte ouvrir pour fabriquer ses propres couteaux et outils. "C’est quand même un investissement de 5 millions de francs, donc il faut déjà voir si l’activité d’affûtage fonctionne." Pour ça, l’artisan devra se constituer une clientèle fidèle. Il est donc temps d’aller rendre tout leur tranchant à ces chaînes de tronçonneuse.