C’est une très bonne nouvelle pour les pompiers, mais sans doute moins pour les touristes amateurs de farniente sur la plage. La saison sèche, qui atteint traditionnellement son pic entre septembre et octobre, a déjoué les pronostics, marquée par de nombreux épisodes pluvieux.
Pourtant le phénomène El Niño, réputé pour apporter un temps très ensoleillé en Nouvelle-Calédonie, est bel et bien installé dans le Pacifique. Alors comment expliquer la survenue de pluies aussi abondantes depuis la fin du mois d’août ?
D’autant plus que le trimestre mai-juin-juillet a été "historiquement" sec, enregistrant un recul de pluie de – 74 % par rapport aux normales. À cette époque, tous les signaux montraient qu’El Niño "montait en puissance" (ce qui fut le cas) et que ce déficit de précipitations pourrait donc durer jusqu’à la fin de l’année. Sauf que sur ce dernier point, les météorologues émettaient déjà des "réserves" qui se sont avérées justes.
"Bien que tous les modèles prévoyaient une période de sécheresse, il y avait un élément qui nous perturbait et qui pouvait créer des surprises : la température mondiale des océans, explique Thomas Abinun, climatologue chez Météo France NC. Nous assistons à un emballement très marqué de ces températures océaniques, qui sont excessivement plus chaudes que la normale et d'une ampleur que l’on avait encore jamais observée. D'une part, c'est très alarmant. D'autre part, on s’attendait à ce que cela puisse perturber le mécanisme du phénomène El Niño dans le Pacifique."
En clair, le thermomètre affiche une eau à 21 °C en moyenne à l’échelle de la planète, soit une hausse de +0,4 °C par rapport à l’an passé qui était déjà l’une des années les plus chaudes enregistrées. Or El Niño est, lui aussi, inédit dans notre région cette année.
Traditionnellement, ce phénomène génère des eaux anormalement chaudes dans le Pacifique Est (au voisinage de la Polynésie française et des côtes d’Amérique latine), et donc plus d’évaporation et ainsi davantage de pluies dans cette région.
À l’inverse, les eaux anormalement froides restent cantonnées dans la région Ouest du bassin Pacifique, c’est-à-dire dans le secteur de la Nouvelle-Calédonie, de l’Australie et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ces eaux plus fraîches que la normale entraînent, quant à elles, moins d’évaporation et donc un temps plus ensoleillé, propice à la sécheresse.
"Sauf que cette année, les eaux chaudes d’El Niño se sont étendues beaucoup plus à l’ouest que d’habitude au point qu’elles ont même traversé tout le bassin jusque chez nous, décrit Thomas Abinun. Au lieu d’être en zone sèche, la Nouvelle-Calédonie se trouve en bordure de la zone des eaux plus chaudes que la normale, ce qui laisse davantage la possibilité d’intrusion d’air équatorial dans notre région avec des descentes régulières d’humidité. D’où les épisodes de pluie abondante que nous connaissons depuis fin août."
Dans ce contexte, les pluies sont très largement excédentaires dans le pays : +73 % d’eau en août et même + 227 % en septembre, ce qui implique qu’il a trois fois plus plu que la normale (soit une moyenne de 180 mm, contre 50 mm habituellement). C’est d’ailleurs le quatrième mois de septembre le plus arrosé en Nouvelle-Calédonie depuis le début des mesures, en 1955.
La première dépression tropicale de la saison se précise [1]
Et le mois d’octobre s’inscrit dans la même tendance puisqu’il affiche déjà un excédent de +50 %, soit 1,5 fois plus de précipitations que ce qu’il tombe en moyenne sur l’ensemble du mois.
Alors que le pic de la saison sèche touche à sa fin, les météorologues peuvent désormais l’affirmer : "Nous sommes passés à côté de la sécheresse que nous craignions, à l’exception d’une partie du nord-ouest de la Grande Terre", assure Thomas Abinun, qui conclue par une autre bonne nouvelle : le temps pourrait être globalement clément en cette fin d’année. "À partir de novembre, nous avons un signal d’eau qui se refroidit, ce qui devrait donner un scénario moins humide que la normale."
Et donc potentiellement davantage de soleil sans engendrer pour autant de sécheresse préoccupante. Du moins si El Niño n’en décide pas encore autrement…