La Chambre territoriale des comptes (CTC) célèbre ses 35 ans, quel est son rôle en Nouvelle-Calédonie ?
Elle est présente en Nouvelle-Calédonie, comme elle l’est dans tous les territoires de la République. C’est une juridiction financière créée après les accords de Matignon dont le but est de contrôler l’argent public des collectivités locales, des établissements, des associations, des sociétés d’économies mixtes liées à ces établissements, etc. Au total, 147 organismes sont contrôlés en Nouvelle-Calédonie par la CTC, dont le gouvernement, les provinces, les communes, les hôpitaux, l’OPT, etc.
Ces contrôles visent à assurer que l’argent public est bien et régulièrement dépensé, qu’il n’y a pas de détournements, de manquements, d’infractions. Le but est aussi de donner une assurance aux contribuables que leur argent est bien utilisé et que les politiques publiques sont correctement menées. La CTC, enfin, sanctionne ceux qui ont manqué à leurs responsabilités et obligations de gestionnaires.
Des plateformes citoyennes sont également proposées. De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de permettre à tous les citoyens de demander que la Cour et les Chambres traitent d’un sujet d’enquête ou de contrôle qui leur paraît utile. Cela peut être sur un organisme public, sur l’équilibre d’une caisse de sécurité sociale, sur le financement des retraites, sur une grande fondation d’utilité publique, etc. Il y a eu pratiquement 700 propositions de ce type (au niveau national). On les laisse sur la plateforme et on laisse voter les gens pour en sélectionner une trentaine qui recueillent la majorité de l’assentiment. À partir de là, les Chambres en traitent au moins une.
Il est également possible d’effectuer des signalements, y compris sous le sceau de l’anonymat…
Oui car la Cour a également toute une activité contentieuse qui vise à sanctionner des gestionnaires publics qui ne se sont pas montrés à la hauteur de leurs responsabilités commettant trois types d’infraction : des infractions très techniques comptables et budgétaires ; des atteintes à la probité, c’est-à-dire qu’ils ont donné à eux-mêmes ou à quelqu’un d’autre un avantage injustifié, cela correspond un peu à un délit de favoritisme ; enfin il s’agit des cas où le gestionnaire, par son manque d’implication professionnelle, a commis une faute qui constitue une infraction parce que, par ailleurs, elle a causé un préjudice significatif à une entité qui se retrouve à devoir supporter une charge indue ou avoir trop payé une prestation ou pour un service qui n’a pas été réalisé.
À ce moment-là, nous poursuivons devant une chambre de la Cour des comptes spécialisée qui est la chambre des contentieux. Le procureur général, qui a le monopole des poursuites avec l’appui des procureurs en région, peut alors demander la condamnation, la sanction d’une personne pour tel ou tel motif.
Un nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics est en vigueur depuis le 1er janvier. En quoi cela consiste-t-il ?
Nous avons désormais un régime unique et répressif qui ne distingue plus comme avant les ordonnateurs et les comptables. Il concerne tous les fonctionnaires, agents publics, responsables d’entreprises publiques ou d’associations faisant appel à la générosité publique. Il s’agit donc de plusieurs millions de personnes et cette responsabilité conduira à une sanction.
La précédente cour de discipline budgétaire jugeait peu d’affaires et infligeait des amendes faibles. Là, dans les cinq cas qui ont déjà été jugés (au niveau national), les amendent dépassent toujours 10 000 euros (soit 1,2 million de francs). C’est donc une sanction qui a des conséquences personnelles sur ces agents.
Les hommes et femmes politiques sont-ils également concernés ?
Les élus ne sont pas pris dans cet ensemble de justiciables, sauf exception. Notamment en cas d’inexécution des décisions de justice. L’une des premières décisions a d’ailleurs sanctionné le maire d’Ajaccio qui n’avait pas respecté une décision de justice. Cela comprend aussi la gestion de fait, lorsqu’un élu s’immisce dans la gestion d’une caisse publique contrairement à ce que son mandat et sa responsabilité impliquent. C’est donc un système qui, majoritairement exclut les élus, mais qui les concerne dans ces deux cas.
Quel est l’objectif de ce nouveau régime ?
C’est un régime qui se veut dissuasif, exemplaire et rapide. Avec l’ancienne cour, on rendait cinq à sept arrêts par an. Aujourd’hui, il est sûr que nous aurons cinquante à soixante-dix jugements par an.
En France, les cinq chambres territoriales des comptes (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon) sont des juridictions financières qui exercent dans les collectivités d’outre-mer les mêmes missions que les chambres régionales des comptes en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer.