C’est un feuilleton vieux de sept ans, traversé par trois projets de loi et des dizaines de débats en commissions, auquel viennent de mettre un terme les élus du Congrès. Formulée pour la première fois en 2016 parmi les objectifs du plan Do Kamo, la "taxe sur certains produits alimentaires contenant du sucre" a été votée par une majorité de 32 membres de l’assemblée (sur 54), ce mardi matin.
Un texte motivé par un constat inquiétant, livré devant l’hémicycle par les services de l’Agence sanitaire et sociale, concernant la santé des Calédoniens. Le baromètre santé 2022 fait état de "38 % d’obésité et 32 % de surpoids" en Nouvelle-Calédonie, responsable de 15 500 cas de diabète (dont 95 % de type 2), première pathologie du territoire. Au-delà des conséquences humaines qu’elle engendre, cette maladie représente d’importantes dépenses de santé (7,7 milliards de francs par an) et participe largement au déséquilibre des comptes sociaux calédoniens.
La nouvelle taxe s’appliquera aux produits importés comme à ceux fabriqués localement et concernera les boissons sucrées, les boissons lactées, les glaces, les confiseries, les préparations pour boissons, le chocolat, les sauces et sauces préparées, les biscuits secs transformés et enfin les produits industriels de la boulangerie, de la pâtisserie ou de la biscuiterie. Elle sera basée sur des taux par tranche, en fonction de la teneur en sucre de chaque produit (voir ci-dessous).
Cette taxation évolutive a pour objectif d’inciter les industriels à réduire la teneur en sucre de leurs produits. Elle doit aussi amener à une baisse de la consommation des produits les plus sucrés par l’augmentation de leurs prix. Par ailleurs, le projet de loi s’inscrit dans le cadre d’un plan global visant à "renflouer les caisses déficitaires du Ruamm". Sur la base des consommations actuelles, la nouvelle taxe pourrait rapporter 3,3 milliards de francs par an. En misant sur une diminution ambitieuse de 20 % de la consommation des produits concernés, le rendement de la taxe s’établirait à 2,6 milliards de francs par an.
Cette nouvelle taxation a toutefois fait l’objet de vives oppositions, venues des rangs des groupes Rassemblement et Loyalistes. Ces derniers ont déposé une motion préjudicielle en début de séance, finalement rejetée. "Personne ne conteste que le sucre est un véritable fléau en Nouvelle-Calédonie, qu’il suscite des maladies et est un mal important pour notre système de santé, mais notre réponse ne peut pas simplement être l’instauration d’une taxe, a estimé Françoise Suve, présidente du groupe Loyalistes. Elle sera perçue comme une volonté d’obtenir du rendement en se passant d’une politique de fond pour régler le problème des Calédoniens", a poursuivi l’élue, sollicitant l’élaboration d’un "plan sucre" plus vaste intégrant des "actions de prévention et de sensibilisation".
Pour Nicolas Metzdorf, élu Loyalistes, "il existe déjà une taxe sur les boissons sucrées, ça s’appelle la TGC à 22 %". Les élus opposés au projet de loi ont également dénoncé un texte "truffé d’incohérences", selon les mots de Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement, et qui n’aura "aucun effet sur les habitudes alimentaires des Calédoniens", mais sur "leur pouvoir d’achat à nouveau ponctionné".
Un avis que ne partage pas Philippe Michel, de Calédonie ensemble. "Nous avons les mêmes débats depuis sept ans avec les mêmes arguments. Et depuis sept ans, on ne fait rien, tous gouvernements confondus. Pendant ce temps-là, on finance à grand-peine 15 milliards de dépenses de santé directement liées au sucre. Ce texte n’est pas parfait et il ne résoudra pas tout, mais il est nécessaire et attendu." Les groupes indépendantistes ont également soutenu le projet de loi, jugeant cette nouvelle taxation comme "un outil de santé publique", a souligné Omayra Naisseline, du groupe UC-FLNKS et Nationalistes.