Le Congrès est une assemblée délibérante née de l’accord de Nouméa, en 1998. Dans le cadre d’une recherche d’un équilibre politique entre les différents territoires de Nouvelle-Calédonie, la répartition des sièges au Congrès avait été définie de la manière suivante : "Les assemblées de province seront composées, respectivement pour les îles Loyauté, le Nord et le Sud, de sept, quinze et trente-deux membres, également membres du Congrès, ainsi que de sept, sept et huit membres supplémentaires, non-membres du Congrès lors de la mise en place des institutions." Une composition restée inchangée en 25 ans. Mais les évolutions démographiques des trois provinces ces deux dernières décennies appellent-elles à une recomposition de cette assemblée ? C’est la question à laquelle le Conseil d’État a tenté de répondre dans son avis consultatif publié le 26 décembre.
Dans sa publication, l’institution se base sur les écarts de représentation entre les trois provinces par rapport au critère démographique pour rendre son avis : "La province Nord, la province Sud et la province des Îles Loyauté représentaient ainsi respectivement 21,04 %, 68,35 % et 10,61 % de la population de la Nouvelle-Calédonie en 1996 et 18,39 %, 74,85 % et 6,76 % en 2019, alors qu’elles sont représentées au Congrès respectivement par 27,78 %, 59,26 % et 12,96 % des sièges depuis 1999."
Pour l’institution, cette répartition inégale "déroge au principe d’égalité devant le suffrage" car elle ne respecte pas une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cette dernière exige que "l’organe délibérant d’une collectivité territoriale soit élu sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage". Cependant, "elle n’exige pas que la répartition des sièges soit nécessairement proportionnelle à la population de chaque circonscription". Mais la composition du Congrès de Nouvelle-Calédonie pourrait à terme s’écarter de certaines exigences, poursuit le Conseil d’État, rendant nécessaire une intervention du législateur organique. Une telle intervention n’est toutefois pas nécessaire à l’heure actuelle, conclut l’institution.
Comme pour le dégel du corps électoral, le camp non-indépendantiste se réjouit que le Conseil d’État partage leur constat. L’actuelle répartition des sièges au Congrès "est un vrai déni de démocratie aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie", dénonce Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement au Congrès. Pour l’élue, la province Sud doit être davantage représentée au vu du nombre d’habitants qu’elle compte. "On ne demande pas forcément d’avoir 75 % des élus, mais aujourd’hui on s’éloigne beaucoup trop de la démographie, avec seulement 59 % d’élus représentant le Sud." Problème, pour le camp non-indépendantiste : le projet de révision constitutionnelle déposé par l’État n’intégrerait pas la recomposition du Congrès. "On envisage de l’ajouter à travers le dépôt d’un amendement", dévoile Virginie Ruffenach.
Là encore, le Conseil d’État oublie "la visée décolonisatrice" et "l’objectif de rééquilibrage" poursuivis par l’Accord de Nouméa, juge Victor Tutugoro, président de l’Union progressiste en Mélanésie (UPM). Dans ce cadre, "il avait été considéré qu’il fallait donner un coup de pouce à la représentativité" en Nouvelle-Calédonie, permettant notamment à la province Nord et celle des Îles d’être mieux représentées malgré une population moins importante. S’il pense que cet équilibre trouvé en 1998 doit être maintenu, Victor Tutugoro admet que, d’un point de vue financier, "il faut revoir les dotations pour chaque province, en particulier pour donner plus à la province Sud".
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