L’étude répertorie les phénomènes d’échouage observés en Nouvelle-Calédonie, de 1991 à 2022. Sur cette période, 183 événements totalisant 322 individus ont ainsi été comptabilisés. À noter que le nombre de ces phénomènes est en hausse sur les quinze dernières années.
"Il y a une augmentation significative, mais qui est sans doute liée au fait qu’on nous signale davantage les animaux échoués. D’autant plus qu’aujourd’hui, les gardes nature des trois provinces et plusieurs bénévoles du monde associatif ont été formés, explique Claire Garrigue, chargée de recherche en biologie marine à l’IRD (Institut de recherche pour le développement). Nous avons en moyenne moins de vingt phénomènes d’échouage par an en Nouvelle-Calédonie. Ce nombre n’a rien d’alarmant, notamment si on le compare avec la Métropole où les animaux que l’on retrouve morts se chiffrent désormais en milliers chaque année."
Les espèces les plus touchées par les échouages sont les dugongs (35 %), les cachalots (19 %), ainsi que la famille des dauphins, ce groupe étant essentiellement représenté par les échouages en masse de globicéphales (18 %). Viennent enfin les cachalots nains et pygmées qui représentent 14 % des échouages.
Les échouages constituent une source d’information importante afin d’estimer la biodiversité des mammifères marins présents dans les eaux calédoniennes. Et plus particulièrement les espèces en mer de Corail, au large du lagon, où les données et les observations sont rares.
C’est par exemple le cas des cachalots nains et pygmées, dont le comportement "insaisissable" les rend difficiles à voir en mer. À ce jour, une seule observation a été confirmée aux îles Loyauté. Pourtant, le nombre de spécimens retrouvés sur le littoral "montre qu’il y a du passage de cet animal dans nos eaux".
Ces échouages permettent donc aux scientifiques de se faire une idée plus fine de l’état des populations et de leur distribution géographique.
Des "points chauds" ont été identifiés sur la côte ouest de la Grande Terre, à Bourail, à Ouano (La Foa), à Nouméa et dans la Baie du Prony, au Mont-Dore, ainsi que sur l’île des Pins, et dans une moindre mesure, à Ouvéa. S’il ne s’agit que d’une hypothèse, cette localisation pourrait être liée aux courants marins.
Les causes de décès n’ont pas été déterminées pour 84 % des échouages. Et ce, pour une raison simple : sans vétérinaire déployé sur place, difficile d’établir un diagnostic. Pour autant, lorsqu’elles sont réalisées sur les cadavres, les nécropsies (comprenez autopsies) et prélèvements permettent d’identifier ces raisons dans une grande majorité de cas.
L’étude met ainsi en exergue une donnée inquiétante en ce qui concerne les dugongs, déjà classés en danger d’extinction. Dans 57 % des cas, les causes de la mort n’ont pas pu être établies. Pour autant, parmi les 43 % des cas où elles ont été identifiées, l’homme est en cause plus de la moitié du temps (28 %). Les principales raisons sont ainsi le braconnage (13 %), les collisions (11 %) et les prises dans les filets de pêche (3 %).
"C’est d’autant plus préoccupant compte tenu du faible nombre d’adultes restants et de la population totale, estimée entre 500 et 700 spécimens. Ces animaux sont isolés géographiquement et disposent d’une diversité génétique très faible, s’inquiète Claire Garrigue. L’espèce est en tel danger que désormais, lorsqu’un dugong s’échoue, nous envoyons systématiquement un vétérinaire sur place".
Si les échouages sont souvent un phénomène naturel, lorsqu’ils sont massifs, ils sont aussi spectaculaires qu’inquiétants. Pour autant, ils s’expliquent en partie.
"Ces phénomènes concernent les espèces sociales qui vivent en groupe au sein d’une famille matriarcale, détaille la scientifique. Si la femelle qui dirige est malade par exemple et va s’échouer sur une plage, l’ensemble de ce groupe va la suivre et ainsi s’échouer y compris des individus en bonne santé."
En Nouvelle-Calédonie, il y a lieu de s’inquiéter à partir du moment où plusieurs individus appartenant à une espèce qui n’est pas grégaire et qui vit donc de manière isolée, s’échouent, comme un groupe de dugongs ou de baleines à bosse. Dans ce contexte, il est fort probable que ce phénomène soit lié à une maladie, à une pollution ou à une destruction de leur habitat.
Pour autant, il est important d’analyser chaque échouage, y compris ceux de masse, notamment de globicéphales qui tendent à être plus nombreux et concentrés dans le temps ces dernières années.
"L’enjeu, à l’avenir, est de suivre de plus près ces échouages de masse, ce qui implique d’avoir plus de moyens humains et financiers, estime Claire Garrigue, jugeant bon de préciser que depuis 2016, de nombreuses formations ont été dispensées. Il faut rester vigilant au sujet des échouages de masse pour tenter d’en comprendre les raisons car ils peuvent également être causés par des sonars qui perturbent les animaux et leur système auditif par exemple."
Si vous êtes témoin d’un échouage, vous pouvez appeler le Coss NC en composant le 16 et le signaler sur le site rescue.ird.nc [1].