"Il faut que les comportements changent à l’égard des soignants qui n’ont pas à être malmenés alors qu’ils sont au service de la population. Cette situation est inacceptable et nous devons mieux les protéger", martèle Yves Dupas. C’est pourquoi le procureur de la République a décidé de lancer un nouveau dispositif pour tenter d’enrayer ces violences et ces agressions verbales à leur égard.
Il s’agit ainsi de mettre en place une procédure de dépôt de plainte simplifiée au profit des personnels des structures hospitalières et des dispensaires du pays. Objectif : permettre à l’ensemble de ces établissements de transmettre leurs plaintes en remplissant un formulaire numérique à envoyer à une adresse dédiée de la gendarmerie ou de la police nationale, en fonction du lieu de l’infraction, afin d’accélérer l’enquête et de permettre au Parquet de donner des réponses pénales plus rapides.
Menaces, intimidations, agressions verbales… Tous ces "dérapages", qui semblent de plus en plus récurrents de la part de certains patients, pourront ainsi être directement signalés et faire l’objet d’une convocation devant la justice.
"Ces violences verbales, qu’on qualifie souvent à tort d’incivilités, ont tendance à se banaliser, déplore Leslie Levant, le directeur du Médipôle et du CHS Albert-Bousquet. Ces injures et ces menaces sont de véritables agressions que nos soignants et l’ensemble du personnel hospitalier subissent au quotidien dans l’exercice de leur fonction. Ces pressions s’accumulent jour après jour, et sans que ce soient des agressions physiques, peuvent mener à des arrêts maladie."
Ce dispositif vise ainsi à ne plus laisser passer des faits dont le personnel soignant n’ose pas toujours parler. Et encore moins signaler. "Les violences conjugales et intrafamiliales rentrent aussi dans l’hôpital où on est confrontés à des situations sociales très difficiles, rappelle Leslie Levant. Souvent, les personnels s’auto-censurent et ne portent pas plainte quand il y a un dérapage ou de la violence parce qu’ils se disent qu’ils sont là aussi pour protéger les familles, pour protéger les jeunes parents par exemple et ils ne veulent donc pas en rajouter. Mais il faut faire la part des choses. Et cette banalisation du silence doit cesser."
Et ce n’est pas le procureur de la République qui le contredira : "On peut comprendre que le personnel de santé n’ait pas l’habitude ou tout simplement pas le temps de signaler ces agressions verbales et ces outrages, mais en ne les signalant pas, il y a toutes les chances possibles pour que ces faits ne reculent pas, rappelle Yves Dupas. Or le but de cette démarche, c’est bien de dissuader les usagers des services hospitaliers d’avoir ces types de comportements totalement anormaux et de les emmener à réfléchir pour prévenir la réitération de ces faits."
Ce dispositif simplifié, qui existe déjà pour les victimes de violences accueillies à l’hôpital et qui pourrait être étendu aux agents de sociétés de transport, répond également à une attente de bon nombre de Calédoniens, à en croire le commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie : "On sent une véritable indignation de la population, notamment en Brousse, où elles subissent directement les conséquences de tels actes, rappelle Nicolas Matthéos. Aujourd’hui, les gens expriment en grande majorité leur solidarité envers ces personnels dévoués."
C’est le "pôle de justice de proximité", qui prendra en charge ces plaintes et qui convoquera les auteurs à qui des réponses pénales à caractère pédagogique devraient être proposées, dans un premier temps. Il pourrait par exemple s’agir d’un travail non rémunéré au service d’une association ou au sein d’une collectivité ou encore de travaux d’intérêt général (Tig).
À noter qu’en cas de faits plus graves, comme une agression physique ou une récidive, le fonctionnement de la justice, là, ne change pas et les auteurs écoperont de peines beaucoup plus lourdes.