Construit entre 1951 et 1953, le barrage de Dumbéa n’avait pas connu de "grands travaux" depuis cinquante ans. Il était donc temps de mettre en conformité cet ouvrage. En clair, le chantier doit permettre à cet édifice de résister à une crue d’ampleur dite "millénale", c’est-à-dire qui se produit, statistiquement, une fois tous les mille ans.
"Le futur barrage répondra aux normes de sécurité internationales les plus exigeantes, assure Jérémie Katidjo-Monnier, membre du gouvernement chargé de la politique de l’eau. Il s’agit d’assurer la parfaite sécurité des populations de Dumbéa et la préservation de l’environnement de cette zone de la Montagne des sources, essentielle à la biodiversité en province Sud. Ces travaux visent également à sécuriser l’approvisionnement en eau potable puisque plus d’un tiers des Calédoniens boit l’eau qui vient de ce barrage."
Pour rappel, cet ouvrage alimente la ville de Nouméa, une partie de la commune de Dumbéa, sans oublier qu’il couvre également les besoins de la SLN.
Dans sa configuration actuelle, les seuils, comprenez l’endroit en haut de l’édifice d’où s’écoule l’eau, sont jugés trop étroits, en particulier lors de crues significatives. "Dans ce cas, la poussée de l’eau est importante. L’eau va donc monter plus haut et exercer davantage de contraintes sur le barrage, précise Maxime Guimas, conducteur de travaux chez Dumez. Le but de ce chantier, en élargissant ces seuils, c’est donc de baisser ce niveau d’eau situé à l’arrière de ce barrage (en amont donc) afin de sécuriser l’ouvrage pour éviter certains scénarios, comme celui d’une rupture."
Ce chantier prévu est exceptionnel à bien des égards ne serait-ce que par la complexité des opérations à mener. Car avant même d’envisager de s’attaquer à l’ouvrage, les équipes doivent d’abord se focaliser sur les deux rives, qui seront au total élargies d’environ 18 mètres.
"La découpe pour agrandir les seuils sur le haut du barrage va entraîner un écoulement de l’eau plus large. Or si on ne protège pas d’abord les rives, cette eau va couler sur le talus naturel. Elle risque donc de l’éroder et de casser les fondations du barrage, explique Maxime Guimas. Il faut donc d’abord venir élargir et bétonner les rives. Les ouvriers créent ainsi actuellement des escaliers en béton au pied de l’ouvrage pour protéger les talus."
Deuxième étape : "l’ancrage" du barrage qui vise à le stabiliser durant sa transformation. "On doit d’abord le faire parce que si on enlève du poids au barrage au moment de la découpe, le barrage sera plus léger et risque ainsi de se soulever avec la poussée de l’eau, poursuit le conducteur de travaux. Pour éviter cela, on va donc l’ancrer dans le sol, avec la technique des tirants actifs, qui sont de grands câbles métalliques qu’on vient forer de manière que le barrage soit fixé au sol, un peu comme une ancre."
Ce n’est qu’une fois toutes ces précautions prises que le cœur des travaux pourra commencer, à savoir la découpe de l’édifice.
La particularité de ce chantier est qu’il doit se dérouler tout en maintenant l’édifice en activité puisqu’il alimente plus de 100 000 Calédoniens ainsi qu’une partie du tissu économique et industriel du pays.
Durant certaines phases, le niveau du barrage devra en revanche être abaissé, en ouvrant notamment la vanne située au bas de l’ouvrage. Une difficulté anticipée par les services de la ville de Nouméa, gestionnaire de l’approvisionnement en eau, qui garantit que ce service ne sera pas perturbé.
"Pendant certaines étapes du chantier, l’appoint se fera, au besoin, par le biais du Grand tuyau qui alimente le reste de l’agglomération ainsi que grâce à d’autres forages pour Dumbéa", détaille la chargée d’opération Prescillia Rodriguez.
Au cours de ces travaux, les ouvriers devront déplacer près de 20 000 tonnes de béton. "Ce chantier fait appel à des techniques très peu utilisées en Nouvelle-Calédonie, ce qui a nécessité de faire venir des outils sur le territoire ainsi que certaines personnes formées, glisse Maxime Guimas. Cette opération est hors normes de par son contexte. Il a par exemple fallu installer dans ce parc, une grue à tour, qui est la plus grande du pays, en passant par une piste étroite."
Des travaux bienvenus dans un contexte de crise du BTP. "Cette opération, essentielle, permet de conforter, autant que faire se peut l’économie calédonienne, avec un milliard de travaux et des équipes à 95 % locales", insiste Jérémie Katidjo-Monnier, qui juge ce chantier d’une "technicité exceptionnelle". "Cela montre qu’en Nouvelle-Calédonie, on a aussi un savoir-faire, à l’exception de certains points d’expertise très spécifiques."
Lancé en décembre 2022 (pour la réfection de la piste menant jusqu’au barrage), ce chantier est censé être achevé en octobre 2025. L’une des contraintes de ces travaux est également relative au climat calédonien. De décembre à avril prochain, les ouvriers devront suspendre leur activité, les travaux de découpe du béton ne pouvant être réalisés pendant la saison cyclonique.