
Dans l’allée principale de Tuband, tags, vitrines éventrées, commerces pillés et débris en tous genres constituent le nouveau décor, chaotique, de cette artère auparavant pleine de vie. En ce lundi matin, l’atmosphère reste très incertaine dans ce quartier populaire, l’un des premiers touchés par les émeutes, le soir du 13 mai.
Assise sur un muret avec son compagnon, Bernadette, qui habite l’un des logements au-dessus du cabinet médical dévasté, salue la décision du haussariat de prolonger le couvre-feu jusqu’au lundi 10 juin. "J’aime bien cette mesure. C’est rassurant et j’aimerais que ça continue autant que possible, confie cette jeune femme, marquée par les violences qui ont éclaté à deux pas de chez elle. L’engin ! Cela fait peur de vivre ici en ce moment. La nuit, certains en profitent et c’est encore tendu. Il vaut mieux rester bien tranquille chez soi. C’est le mieux qu’on puisse faire pour l’instant."

Quelques mètres plus loin, ce couple de retour de la boulangerie comprend la mesure, mais commence à trouver le temps long. "On en a ras le bol de cette situation. Il faut que nos politiques avancent pour qu’on voie enfin un retour à la normale car là c’est un calme en suspens. Un peu comme le calme avant la tempête, estime Philippe, la "quarantaine". C’est normal qu’il y ait un couvre-feu vu les violences, mais ça ne sert à rien si, en parallèle, les politiques ne parviennent pas à se mettre d’accord. J’espère qu’après le 10 juin, si le couvre-feu est encore en vigueur, son heure sera au moins retardée."
Au centre-ville, alors que la vie reprend son cours presque normal, et que les travailleurs s’emparent de nouveau de la place des Cocotiers à midi, même son de cloche chez Jean. "Ce sera bien ensuite de reculer l’heure de couvre-feu parce qu’avec le travail et les magasins qui ferment tôt, ça va devenir compliqué de s’organiser, pour faire des courses, etc. raconte ce trentenaire, qui voit néanmoins d’un très bon œil cette mesure. J’habite à Dumbéa-sur-Mer et la nuit, les riverains ne se sentent clairement pas en sécurité. C’est toujours chaud chez nous. Donc le couvre-feu, je n’y trouve que des avantages vu la situation. C’est juste pour une petite période à l’échelle d’une vie. Et cela peut vraiment aider à retrouver le calme."

Un avis que ne partagent pas tout à fait Youna, 22 ans, et Capucine, 25 ans, qui perçoivent avant tout cette mesure comme "une contrainte", mais reconnaissent que leur point de vue est "purement égoïste". "Quand on connaît la situation, évidemment qu’on peut comprendre la nécessité d’un tel dispositif. C’est même logique. Nous aussi, on a décidé de quitter notre colocation aux Portes-de-Fer, où c’était tendu, pour nous réfugier dans les quartiers Sud. Là où on est depuis, on a une vie normale, même si on sait que c’est un calme totalement artificiel. Donc c’est dur de prendre pleinement la mesure de la nécessité de ce couvre-feu à 18 heures."
Assise sur un banc, Christine, qui habite au 6e Kilomètre n’a pas cette chance et appelle de ses vœux à prolonger le couvre-feu au-delà du 10 juin. "C’est parfait cette mesure, insiste cette dame de 63 ans. J’ai encore du mal à dormir. Au moindre bruit, je ne suis pas tranquille. Même si des barrages ont été installés dans mon quartier, la nuit, je ne me sens plus vraiment en sécurité chez moi."
