
Rangées de rideaux baissés, parkings vides, rues désertes…. Il plane comme un air de dimanche (si ce n’est de pandémie) en ce mercredi après-midi, dans le centre-ville de Nouméa. Commerces, bureaux, restaurants… L’ensemble des salariés ont quitté leur travail plus tôt que prévu, dès la fin de la matinée, dans une certaine précipitation qui a créé bon nombre d’embouteillages. Une mesure de précaution après l’annonce de l’interpellation de plusieurs responsables de la CCAT, dont leur figure de proue, Christian Téin, en début de journée.

Vers 15 heures, Valérie N’Guyen était l’une des toutes dernières commerçantes à rester ouverte, non sans appréhension. "J’habite juste à côté, donc je vais fermer vers 16h30 comme tous les jours, même si je suis inquiète. Si j’avais vécu loin, j’aurais également tout de suite fermé pour rentrer chez moi, confie la gérante de l’alimentation L’Hirondelle, qui a la chance d’être située en face du commissariat central. C’est une raison pour laquelle je suis encore là même si je ne suis pas tranquille. Je surveille beaucoup. Les habitués, je les laisse rentrer sans souci, mais s’il y a un groupe que je ne connais pas, je préfère qu’il reste dehors."

Assise devant l’entrée de son immeuble, "exceptionnellement fermée", Marthe est bloquée et attend que son compagnon vienne lui ouvrir. Cette femme de 32 ans est également partie plus tôt du bar-restaurant où elle travaille à l’Anse-Vata. "Mes chefs m’ont demandé de finir à 14 heures au lieu de 17 heures pour rentrer chez moi par mesure de sécurité car ils avaient peur que ce soit risqué dans le centre-ville. Je ne m’attendais pas à voir à ce point tout fermé, je suis très surprise. Ça me semble exagéré mais vu tous les commerces qui ont déjà été saccagés, je peux comprendre que le principe de précaution l’emporte."

Même sur la place des Cocotiers, les familles se font rares. Assise au soleil, dégustant son thé, Yvana Taïeb fait contre mauvaise fortune bon cœur. "J’ai hâte de pouvoir retravailler mais à peine j’ai commencé ce matin, que les terrasses ont fermé. Je propose des fleurs, mais c’est la guerre, m’a-t-on encore répondu. C’est un peu ridicule", sourit cette célèbre vendeuse ambulante, néanmoins "rassurée" que commerçants et salariés aient préféré fermer boutique. "Cette décision est peut-être un peu forte, mais si c’est pour préserver des familles et des emplois, c’est mieux ainsi."

Un avis loin de partager cet homme qui regarde les joueurs de pétanque et qui s’énerve rien qu’à l’évocation du sujet : "C’est vraiment exagéré. Les gens ont peur de n’importe quoi aujourd’hui. Qu’est-ce qu’ils craignent ? On n’est pas en guerre que je sache." Signe que les Calédoniens sont profondément divisés jusque dans leur sentiment d’insécurité.
