
Au matin du 15 mai, devant la structure encore fumante de sa clinique, Guillaume de Savigny en avait fait la promesse : "On va se battre, on va reconstruire et on va rouvrir rapidement." Un peu plus d’un mois après l’incendie ayant totalement détruit la clinique vétérinaire de l’Hippocampe, au 6e Km, le pari est tenu. Les deux gérants et leurs huit salariés soignent les animaux depuis lundi, dans leurs nouveaux locaux du 4e Km.
"On a deux salles de consultation, deux salles d’opération, on va pouvoir installer trois chenils séparés", se réjouit Guillaume de Savigny, en faisant le tour du propriétaire, où s’affiche encore le logo "Courte et fils", du nom du groupe qui a mis ses bureaux à disposition de l’Hippocampe.
L’espace "est parfaitement adapté", constate le gérant, qui pense même disposer désormais "de la plus belle clinique vétérinaire de Nouvelle-Calédonie". "C’est hyper sécurisé, ajoute Éric Lecomte, gérant associé. Après ce qu’il s’est passé, c’était un paramètre important pour nous." Reste maintenant à pleinement équiper la nouvelle structure. "Pour l’instant, on fait avec les moyens du bord", admettent les vétérinaires, devant des pièces encore partiellement vides.
"On devrait être complètement opérationnel dans un mois ou deux." Un appareil d’imagerie médical a été commandé en Corée du Sud. Un échographe doit également arriver dans quelques semaines. "Il nous manque aussi du matériel chirurgical." Car rien n’a pu être récupéré de l’ancienne clinique, où seuls les animaux en cage ont été sauvés des flammes par l’intervention bienveillante des voisins, dans la nuit du 14 au 15 mai.

Très vite, les gérants ont racheté du matériel de base pour assurer une réouverture dans les meilleurs délais. Ils ont également pu compter sur la solidarité de confrères. La clinique vétérinaire de Dumbéa-sur-Mer, également incendiée, leur a mis à disposition les seules cages ayant échappé aux flammes. Des clients sont venus déposer des dons, notamment du matériel informatique, mais aussi le canapé désormais installé dans la salle d’attente. À l’entrée de la nouvelle clinique, une affiche liste les produits encore manquants à l’intention d’éventuels clients généreux : compresses, feuilles, stylos, café, micro-ondes, étagères…
La réouverture rapide de la clinique est une prouesse d’autant plus remarquable qu’il a fallu faire sans les aides promises par les collectivités, ni les indemnisations garanties par les assurances. "On n’a encore rien touché", regrette Guillaume de Savigny.
Seule la reprise de l’activité offre aujourd’hui la perspective d’une rentrée d’argent pour la clinique. Deux jours après la réouverture, "les clients répondent présents", saluent les gérants. Parmi eux, Michel est venu de Yahoué ce matin avec un de ses six chiens, qu’il trouve "un peu fatigué en ce moment". "Je suis content de te retrouver", lance-t-il à Guillaume de Savigny, avant de glisser un chèque dans la boîte à dons. Cela fait "vingt ans" qu’il est client de l’Hippocampe. Alors pas question pour lui de changer d’adresse, malgré un trajet légèrement rallongé. "On a un peu perdu en proximité", admet Éric Lecomte, mais la clinique propose une "continuité des soins" à domicile pour les clients de leur ancien quartier.

La clinique peut compter sur la fidélité de sa clientèle, autant que sur l’abnégation de ses employés. La semaine dernière, l’équipe au grand complet était en effet à pied d’œuvre pour préparer la réouverture de lundi et mettre en place l’équipement déjà disponible. Un dévouement que Christel, auxiliaire de santé vétérinaire, incarne particulièrement. Depuis dix jours, elle emprunte quotidiennement la navette maritime en provenance du sud du Mont-Dore, zone toujours coupée du reste de l’agglomération. "Je ne sais jamais si je vais pouvoir rentrer chez moi le soir", témoigne l’habitante de La Coulée, évoquant une "angoisse permanente" et des trajets éreintants. "Hier, j’ai fait 5h30 de voyage et d’attente pour trois heures de travail", raconte-t-elle. Il n’empêche : "c’est une véritable chance qu’on ait trouvé ces locaux", poursuit la salariée.

Pour elle comme pour le reste de l’équipe, la reprise du boulot représente un bol d’air opportun. "Ça fait vraiment du bien de revoir les gens. Nos patients nous ont manqué, ça met du baume au cœur", exprime Guillaume de Savigny. Il espère que l’exemple de la clinique pourra en inspirer d’autres à amorcer la reconstruction du pays. "On veut être un symbole de résilience et d’espoir."