
Né en 1951, Prabowo Subianto est issu de l’élite politique de l’Indonésie. Son père, Sumitro Djojohadikusumo, était l’un des économistes les plus renommés du pays. Il a occupé plusieurs postes gouvernementaux sous le régime du père de l’indépendance, Sukarno et l’autocrate Suharto, dont celui de ministre des Finances. Son grand-père a fondé la première banque publique d’Indonésie et son jeune frère Hashim Djojohadikusumo est un riche homme d’affaires. Le futur homme fort de l’immense archipel a passé son enfance dans différents pays, dont la Suisse, Hong Kong et l’Angleterre. De retour en Indonésie en 1970 pour être admis à l’académie militaire, il a ensuite poursuivi sa formation aux États-Unis. En 1983, il a épousé la deuxième fille de Suharto, avec qui il a eu un fils, avant de divorcer.
Lorsque Suharto a été renversé à l’issue de manifestations menées par des étudiants en 1998, Prabowo Subianto commandait une force militaire d’élite utilisée pour des opérations spéciales visant à réprimer les troubles. Des militants des droits de l’homme ainsi que ses anciens supérieurs l’ont accusé d’avoir ordonné la disparition de manifestants à la fin de cette ère Suharto. Prabowo Subianto a ensuite été démis de ses fonctions militaires à la suite des enlèvements, mais a toujours rejeté les accusations et n’a jamais été inculpé.
Les États-Unis, alliés de l’Indonésie, lui ont alors refusé un visa en raison de ses antécédents en matière de droits de l’homme. Prabowo Subianto aurait également figuré sur une liste noire en Australie avant l’élection présidentielle de 2014 lors de laquelle il a été battu par Joko Widodo, surnommé Jokowi. Les deux interdictions de visa auraient été levées au cours de la dernière décennie.
Prabowo Subianto a également été accusé d’être impliqué dans des crimes commis par l’armée au Timor oriental, que l’Indonésie a envahi et occupé de 1975 à 2002. Après la chute de Suharto, Prabowo Subianto s’est enfui en Jordanie et n’est revenu en Indonésie qu’en 2004.
Avant d’être élu en février dernier, Prabowo Subianto s’est présenté deux fois à l’élection présidentielle, battu à chaque fois par Jokowi, en 2014 et 2019. Ses relations avec ce dernier se sont tendues après que Prabowo Subianto l’a accusé de tricherie lors des deux élections, accusations jamais étayées. A la surprise générale, Prabowo Subianto a accepté l’offre de Jokowi de devenir ministre de la Défense peu après son second revers. Dans un nouveau geste de rapprochement, Prabowo Subianto, lors de l’annonce de sa candidature à la présidence l’an passé, a choisi le fils aîné du président, Gibran Rakabuming Raka, 37 ans, comme colistier.
Jokowi a soutenu ce "ticket", qui l’a emporté avec une écrasante majorité. Mais le président sortant a été accusé par des militants pro-démocratie d’avoir manipulé les élections et mobilisé l’appareil d’État pour assurer leur victoire.
Depuis sa victoire, Prabowo Subianto s’est signalé par un changement de politique étrangère par rapport à Jokowi, qui avait, lui, donné la priorité aux affaires intérieures. Prabowo Subianto a laissé entendre qu’il jouerait un rôle plus actif sur la scène mondiale en s’engageant davantage avec ses alliés. Durant la période de transition, il s’est rendu dans plus d’une douzaine de pays, dont le Japon, Singapour, l’Arabie saoudite et le Vietnam. En avril, il a été accueilli en Chine et a rencontré en juin le secrétaire d’État américain Antony Blinken en Jordanie, avant de signer un nouvel accord de défense avec l’Australie.
Le nouveau président s’est engagé à poursuivre la construction de la nouvelle capitale Nusantara, dissipant les craintes selon lesquelles il abandonnerait le coûteux projet de Jokowi qui devrait être achevé d’ici 2045. Il a également promis durant sa campagne des repas scolaires gratuits, dans le cadre d’un plan de 28 milliards de dollars (plus de 3 000 milliards de francs) dont devraient bénéficier plus de 70 millions d’Indonésiens. Mais des voix critiques se sont élevées pour dire qu’il ne pourrait pas mener à bien les deux projets, qui représenteraient une charge énorme pour les caisses de l’État. Sur le plan économique, Prabowo Subianto, très optimiste, table sur une croissance de 8 % d’ici deux à trois ans, contre 5,05 % en 2023.