
Que restera-t-il des services publics en Nouvelle-Calédonie ? A la lecture des pistes d'économie listées par la province Sud pour tenter d'adopter un budget 2025 à l'équilibre, la question vaut le coup d'être posée. "La situation est cataclysmique", alerte Sonia Backès, présidente de la province Sud, à la veille du débat d'orientation budgétaire qui aura lieu ce jeudi 24 octobre en assemblée de province.
Tributaire d'un budget de répartition privé d'environ 32,5 milliards de recettes fiscales en raison des exactions, la collectivité a estimé à 17,8 milliards de francs la baisse de son budget pour l'année 2025 (- 31 %). Comment faire face à une telle réduction ? Les services provinciaux se sont essayés à l'exercice. Les projections sont pour le moins inquiétantes. "Il faudrait fermer tous les dispensaires, ne remplacer aucun départ, fermer les parcs provinciaux, supprimer les bourses, mettre un terme au dispositif PPIC..., énumère la présidente de la Maison bleue. Même avec tout ça, on n'arrivera pas à faire 17 milliards d'économies."
La collectivité doit notamment composer avec une masse salariale importante et "incompressible" de 21 milliards de francs, soit la moitié des recettes de fonctionnement en 2025.
Aucun secteur ne sera épargné par ces arbitrages "douloureux et radicaux". "L'environnement, la culture, l'éducation, le sport… Tous ces domaines vont être impactés", prévient Gil Brial, deuxième vice-président de la province Sud, qui déplore devoir "mettre fin à toutes les politiques publiques que nous avons mis des années à construire". Les associations, souvent très dépendantes des subventions de la collectivité, feront les frais de ces coupes drastiques. Certaines ont déjà été mises en sommeil, comme l'Observatoire de l'environnement [1], quand d'autres envisagent de se séparer de leurs salariés.
Une situation d'autant plus déplorable que la Maison bleue était parvenue à maintenir ses finances saines ces dernières années malgré les difficultés budgétaires de la Nouvelle-Calédonie. "Cette crise n'est pas la faute de notre gestion", signale Philippe Blaise, premier vice-président de la province Sud, renvoyant la responsabilité à ceux qui ont "détruit l'économie" et organisé "la déstabilisation".
"La collectivité était plutôt en bonne santé, confirme Sonia Backès. Cette situation nous a permis d'investir 12,2 milliards en 2023." Un montant qui pourrait être "divisé par quatre" en 2025, avec des conséquences directes pour le tissu économique. La province Sud reste en effet le premier investisseur public de Nouvelle-Calédonie. "On est entré dans le début de l'effondrement", dit Sonia Backès, quand Philippe Blaise présage la "tiers-mondialisation de la Nouvelle-Calédonie".
Pour l'exécutif provincial, seul l'Etat peut permettre d'éviter ces sombres prévisions. La province Sud sollicite une aide financière de 12 milliards en provenance de l'Hexagone. Mais les échanges avec Bercy s'avèrent compliqués. Les marques de soutien exprimées par le ministre des Outre-mer lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie n'ont pas encore donné lieu à de véritables annonces chiffrées. "Il n'y a aucune piste sur les questions budgétaires et sur la façon pour compenser les pertes fiscales, regrette Sonia Backès. Si l'Etat ne vient pas nous soutenir de manière significative, et pas simplement tous les quinze jours, on ne s'en sortira pas."
Le budget primitif 2025 doit être voté le 5 décembre. L'exécutif provincial espère que l'Etat aura répondu favorablement à sa demande d'ici là.