
Entre ce qu’il s’est passé en mai, la dissolution de l’Assemblée nationale et tout ce qu’on a connu depuis, cette année a surtout été consacrée à des allers-retours entre la Nouvelle-Calédonie et la Métropole pour alerter de façon plus précise mes collègues sénateurs sur la situation critique qu’on traversait. Ce que je retiens également, c’est qu’avec la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre, nous avions enfin un ministère des Outre-mer à part entière, occupé par François-Noël Buffet, qui est venu rapidement sur le territoire. C’est un fin connaisseur des outre-mer, et j’espère réellement, comme beaucoup de mes collègues, qu’il sera reconduit dans ses fonctions au sein du gouvernement Bayrou. Je note aussi le déplacement de Gérard Larcher et de Yaël Braun-Pivet. Qu’un président du Sénat et une présidente de l’Assemblée nationale se déplacent ensemble pendant trois jours, ça montre à quel point ils sont prêts à accompagner la Nouvelle-Calédonie. C’est d’ailleurs quelque chose qui est partagé par tous les groupes politiques du Sénat, qui attendent simplement qu’on se mette d’accord, entre Calédoniens, sur la manière dont on veut que l’État nous accompagne par la suite.
Tant que nous n’avons pas la composition du nouveau gouvernement, c’est difficile à dire. Ce que je peux regretter aujourd’hui, c’est qu’on avait effectivement, autour du gouvernement de Michel Barnier, une organisation favorable pour la Nouvelle-Calédonie. La censure est catastrophique pour nous. Surtout du point de vue budgétaire. On s’apprêtait à étudier la mission d’outre-mer, le jeudi avant la censure, lors de laquelle nous avions obtenu un certain nombre d’amendements pour la Nouvelle-Calédonie. La loi spéciale, votée cette nuit [de mardi à mercredi NDLR] au Sénat, consiste simplement à gérer les affaires courantes. Il n’y a rien de prévu pour le territoire.
Il faut avoir en tête que le budget de la France ne sera pas adopté avant le mois de mars. C’est-à-dire que pendant trois mois, il n’y aura pas de ligne budgétaire spécifique. Il va falloir qu’on trouve de nouveaux moyens pour la Calédonie, c’est indispensable. D’autant qu’un nouveau paramètre vient de s’ajouter, avec Mayotte, qui va avoir besoin de beaucoup d’argent. Il reste toutefois une opportunité : une loi de finances provisoire. C’est une demande qu’on a formulée, les quatre parlementaires calédoniens, au président de la République. Mais il faut encore attendre la formation du gouvernement. Il faudra de toute façon trouver des solutions. On ne pourra pas attendre trois mois.
Je ne pense pas. Ce que je sais, c’est que tous les groupes politiques au Sénat sont favorables à un soutien pour la Nouvelle-Calédonie. Simplement, il ne faut pas que ce soit pris dans le budget des Outre-mer, car les autres territoires ultramarins n’ont pas à subir les conséquences de la situation calédonienne.
En Nouvelle-Calédonie, je pense que c’est clair pour tout le monde, nous avons besoin de mener des réformes. Et ces réformes, elles doivent mettre en perspective ce qu’on souhaite comme évolution statutaire. Le problème, aujourd’hui, c’est que bien souvent c’est Bercy [le ministère de l’Économie et des Finances NDLR] qui est à la manœuvre, avec une logique purement comptable, sans arbitrage politique. Michel Barnier est resté 72 jours et n’a pas eu le temps de donner ses orientations. On verra maintenant comment le gouvernement Bayrou compte s’y prendre.
Il faut être un peu raisonnable : au vu de la situation budgétaire, inscrire au budget de la France une subvention d’un milliard d’euros, c’est impossible. Cela restera, dans un premier temps, sous la forme de prêts garantis. Mais je ne doute pas qu’à terme, ils seront transformés en subventions, à condition que les élus calédoniens se retrouvent derrière un projet de société. Et ça, c’est à nous de le proposer.
Depuis le premier jour, je milite pour que ces deux plans soient mutualisés, pour qu’on puisse travailler ensemble. Mais le contexte politique calédonien tel qu’il est aujourd’hui ne le permet pas. Il y a un conflit, qui remonte au pacte nickel. On a du mal à se parler. Il faudra, à un moment, trouver le moyen de s’adresser à l’État d’une seule voix. Il en va de notre crédibilité.
C’est une vraie difficulté. Sans parler des élections provinciales de novembre. On est dans une perpétuelle campagne électorale en Nouvelle-Calédonie, et c’est un vrai danger. C’est pour ça que je souhaitais qu’on organise au plus vite les élections provinciales, en 2024. Et puis il y a eu le 13 mai… Mais il y a toujours cette même urgence. Il ne faut pas attendre le mois de novembre, car cette campagne va polluer les débats sur l’avenir institutionnel. Reste la question du corps électoral, car si on se met d’accord pour organiser les élections plus tôt, il faut savoir avec quels électeurs. Philippe Bas [sénateur Les Républicains de la Manche NDLR] avait fait une proposition quand il est venu en début d’année : tenir les provinciales avec un corps électoral provisoire, qui serait revu par la suite. C’est une proposition qui n’était pas dénuée de fondements, selon moi. L’autre solution, c’est un accord global avant les provinciales. Mais sommes-nous, élus calédoniens, assez intelligents pour y parvenir ? Cela réglerait pas mal de choses.
Ce sera très compliqué, en effet. Mais, avec de la bonne volonté, tout est possible en Nouvelle-Calédonie. Le problème, c’est que j’ai le sentiment qu’on n’a jamais changé de méthode. J’ai connu celles Lecornu et de Darmanin, qui voulaient travailler avec les groupes politiques du Congrès. On a vu où ça nous a menés. Je pense qu’il faut élargir ce débat à la société civile, au monde économique et aux élus de proximité, notamment les maires, qui ont prouvé durant les crises successives ce qu’ils avaient à apporter. C’est également la volonté de Yaël Braun-Pivet et de Gérard Larcher.
En partie, mais on ne peut pas se limiter à l’aspect économique, il nous faut aussi un vrai projet social pour donner des perspectives à la jeunesse calédonienne.
Je pense qu’il faut d’abord qu’on se mette d’accord entre nous. Et d’ailleurs, les élus nationaux le disent eux-mêmes : ils ne veulent pas imposer de solution à la Nouvelle-Calédonie. Ce qui n’empêche pas qu’à un moment donné, l’État devra siffler la fin de la récré. L’année 2025 va être cruciale, il faut qu’on parvienne à trouver une issue au plus vite si on veut relancer l’économie.
Les élus calédoniens doivent accepter que les quatre parlementaires disposent aujourd’hui d’une véritable légitimité, puisque les sénateurs ont été élus il y a un an, et les députés en juillet. Les élus des provinces et du Congrès, eux, ont été élus il y a cinq ans et demi.
On n’est pas toujours d’accord, mais quand il s’agit de l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie, on est capable de s’entendre. Il faut rappeler qu’Emmanuel Tjibaou n’a pas voté la censure du gouvernement Barnier. C’est la preuve de l’importance qu’il accorde au soutien de l’État dans la reconstruction de la Nouvelle-Calédonie. Et ça fait partie de ce qui permet de construire le consensus sur le dossier calédonien au sein d’une Assemblée nationale morcelée.
C’est indispensable, en accord avec le président de la République. Mais il faudra aussi s’appuyer sur la cellule interministérielle, dirigée par Emmanuel Moulin, dans laquelle il faudrait toutefois intégrer des compétences calédoniennes, pour ne pas laisser les hauts fonctionnaires de Bercy définir les solutions pour la Nouvelle-Calédonie. Il faut qu’on se responsabilise et qu’on apporte notre vision à ce qui est mis en œuvre.