
Cela faisait depuis Annick Girardin qu’un ou une ministre des Outre-mer n’avait pas prononcé ses vœux à l’occasion d’une cérémonie à l’hôtel de Montmorin. Il faut dire que la crise du covid avait forcé son successeur Sébastien Lecornu à se contenter de messages vidéo, tandis qu’entre 2022 et 2024, la succession de ministres n’a pas avantagé l’organisation de cérémonie solennelle, de " moment de convivialité " à chaque début d’année.
" Je suis le 8ème ministre des Outre-mer depuis 2017 et le 6ème depuis 2022 " a rappelé Manuel Valls, lors de la présentation de ses vœux, rue Oudinot à Paris, mardi soir. Parmi ses souhaits, le ministre d’État et ancien Premier ministre a exprimé celui " que nous nous retrouvions ici lors des vœux de 2026. Cela implique que mon CDD dure un peu plus que la moyenne actuelle. "
Dans ses priorités, bien évidemment : " la reconstruction de Mayotte ", dévastée par le cyclone Chido en décembre dernier. " Une impérieuse nécessité pour les Mahorais d’abord, […] mais pour la France tout simplement ", insiste le ministre selon qui " le monde regarde notre capacité à reconstruire et à refonder ". Manuel Valls entend aussi faire en sorte " que Mayotte ne sorte pas des écrans ", alors que la première loi d’urgence a été votée la semaine dernière et que se prépare déjà la loi-programme pour le printemps. En attendant, le ministre des Outre-mer est attendu sur place jeudi, avec la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, l’autre ministre d’État et ancienne Première ministre du gouvernement Bayrou.
L’autre priorité du ministre, " c’est bien sûr le chemin d’un avenir commun en Nouvelle-Calédonie " et surtout " trouver un accord " politique dans les mois, voire les semaines qui viennent. " Il y eut un avant et un après 13 mai 2024 ", date d’adoption du projet de loi constitutionnel visant au dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, qui a provoqué la pire crise qu’a connue l’archipel depuis les années 80. " Dès la semaine prochaine, nous commencerons les discussions bilatérales […] avec l’ensemble des partenaires politiques. "
Un dossier sur lequel Manuel Valls se dit " dans la continuité de Michel Rocard et Lionel Jospin ". Et bien que " le chemin soit difficile parce qu’il y a eu de la violence, des morts et le sang a coulé ", " nous devons repartir sur des bases saines " a insisté le ministre, " en rappelant que nous venons des accords de Matignon et de Nouméa, et que cela nous oblige ". Deux " socles " dit-il, " sur lequel nous devons avancer ". " L’émancipation, la décolonisation, l’autodétermination sont des mots qui sont gravés dans l’accord de Nouméa et dans la Constitution de notre pays. "
La vie chère, aux Antilles mais aussi dans l’ensemble des Outre-mer était aussi au sommaire du discours du ministre. " C’est un combat de justice sociale qu’il nous faut mener sans tabou ", a martelé le ministre qui entend " en finir avec les vulnérabilités économiques laissées par l’histoire ". " Il faut mettre en place les conditions d’une concurrence juste, loyale, et s’attaquer à des marges qui n’ont aucun sens et qui créent un sentiment profond d’injustice ".
" Sans stigmatiser quiconque, nous avons besoin de grandes entreprises qui créent de l’emploi et qui en portent beaucoup, mais je n’admettrai pas les grandes entreprises, les grands groupes étouffent l’économie […]. Je ne céderai à aucune pression " a assuré le ministre qui appelle aussi à " des projets de transformation économique ". " Il faut créer une condition, quelque chose de nouveau […], créer les conditions d’autonomie économique en s’attaquant aux normes, en étant capable d’habiliter mieux, en créant les conditions de meilleure intégration dans l’espace régional ".
" Et je le dirais évidemment à chacun, nous sommes des acteurs économiques et sociaux, et nous ne devons céder en aucun cas à la violence et à l’intimidation ", a poursuivi le ministre, alors que l’actualité judiciaire martiniquaise a été rythmée, ces derniers jours, par le procès du militant et leader de la contestation contre la vie chère, Rodrigue Petitot, jugé pour s’être introduit dans la résidence préfectorale. " Je veux que les élus et les partenaires sociaux aient toutes leurs places. La violence conduit inévitablement à l’impasse. "
Manuel Valls a énuméré les " menaces " qui pèsent sur les outre-mer, le changement climatique bien sûr, mais aussi les menaces plus politiques et géopolitiques. " Nous faisons face à des prédateurs, nous faisons face à des adversaires de la France, à des gens qui veulent nous chasser, nous le sentons bien " rappelle Manuel Valls qui cite les Comores, " avec qui nous devons rétablir un véritable rapport de force " ou encore, l’Azerbaïdjan.
" C’est inacceptable de participer à des opérations qui visent tout simplement à affaiblir la France et la République ", a une nouvelle fois critiqué le ministre qui reconnaît les " aspirations d’autonomie et d’indépendance ". " Mais on ne peut pas participer avec des puissances étrangères à la déstabilisation de notre pays ". Manuel Valls s’est dit, lui, prêt à " redéfinir la relation entre la République et les outre-mer ". " Une relation de confiance basée sur le dialogue et l’action pour répondre à un sentiment d’abandon, en tout cas de distance qui s’est créée, et parfois une forme d’énervement, à juste titre vis-à-vis d’une forme d’infantilisation avec laquelle on peut traiter les territoires d’outre-mer. "