
C’est un rituel judiciaire, un rendez-vous annuel qui réunit les magistrats, les autorités et les représentants politiques. Jeudi 20 février, la salle des assises était comble pour accueillir l’audience solennelle de rentrée 2025 de la cour d’appel de Nouméa et du tribunal de première instance. L’occasion d’installer officiellement les nouveaux magistrats et greffiers qui ont récemment rejoint les juridictions calédoniennes.
Mais, c’est surtout le moment choisi pour dresser un bilan de l’activité judiciaire des douze derniers mois. Cette année, le coup d’œil dans le rétro donne à voir une justice bouleversée par l’ampleur des émeutes, mais qui "a tenu", a lancé Gilles Rosati, premier président de la cour d’appel. De mai à décembre, "la période a été éprouvante, mais la justice a été rendue en toute impartialité, malgré la pression des évènements extérieurs".
Elle a également prouvé qu’elle n’était "ni coloniale ni laxiste", a appuyé Bruno Dalles, procureur général près la cour d’appel de Nouméa. "Si elle est si décriée, c’est justement parce qu’elle est impartiale." Ce travail réalisé en 2024 est à mettre au crédit des agents du palais de justice, ont reconnu les deux magistrats. "Dans les conditions si difficiles qui ont été les leurs, nous saluons l’engagement de tous les personnels de justice ayant œuvré au rétablissement de la paix sociale."

Gilles Rosati a eu un mot particulier pour ceux qui étaient chargés de veiller à l’intégrité des locaux du tribunal quand les violences faisaient rage à l’extérieur. "C’est grâce à eux que le personnel s’est senti en sécurité sur son lieu de travail", a souligné le premier président, illustrant son propos par l’action d’un agent qui a vécu au tribunal durant les trois premières semaines d’émeutes afin de surveiller nuit et jour les bâtiments. Un dévouement qui n’a toutefois pas permis d’éviter les lourdes conséquences des violences insurrectionnelles pour l’institution : les départs de magistrats et la baisse des dotations associés à une activité en hausse.
"Je pars en étant persuadé que vous trouverez les moyens d’y faire face", a assuré Gilles Rosati, qui prendra sa retraite le 30 juin, après 45 ans au sein de l’institution judiciaire, dont sept passées à Nouméa.
Le procureur de la République, Yves Dupas, s’est lui aussi fait l’écho d’un traitement judiciaire "hors norme" en 2024. L’an dernier, "tous les indicateurs ont été à la hausse", a-t-il révélé : + 30 % d’affaires enregistrées, + 24 % de gardes à vue, + 46 % de déferrements… Une activité en forte hausse à laquelle le parquet à su faire face, s’est félicité le procureur, en donnant "des réponses pénales suffisamment réactives, fermes et adaptées dans l’objectif de contribuer au rétablissement de l’ordre républicain".

"La justice a pris toute sa place dans la réponse aux atteintes aux biens et aux personnes", a constaté, pour sa part, Gérald Faucou, le président du tribunal de première instance, arrivé en septembre 2024 et officiellement installé dans ses fonctions ce jeudi. Les juridictions calédoniennes vont désormais devoir "reconstituer leurs forces vives", a également observé ce dernier, pour se reconcentrer sur "les maux de la Nouvelle-Calédonie" très vite réapparus au terme des émeutes. Ainsi, la lutte contre les violences intrafamiliales, contre les cambriolages, contre le trafic de stupéfiants ou encore l’insécurité routière redeviennent les axes prioritaires de la justice calédonienne.
Alors que les peines de prison ont bondi en 2024, la question de la surpopulation carcérale sera également un sujet central. En attendant la construction d’une future prison, qui prendra plusieurs années, les magistrats ont réaffirmé leur souhait de voir se construire en attendant, sur le territoire, une nouvelle structure afin d’accueillir une centaine de détenus en semi-liberté.