Il est reproché aux onze garde-frontières d’avoir placé de la drogue dans les toilettes de l’aéroport et d’avoir donné des instructions détaillées à des "mules" (transporteurs) pour la récupérer. Ils s’assuraient ensuite que ces voyageurs soient dispensés de contrôles de sécurité avant leur embarquement.
Outre les agents de police, neuf "mules" et intermédiaires, dont un passeur d’ordres, un homme chargé de récupérer la drogue à l’aéroport d’Orly et un collecteur de fonds basé à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), tous suspectés d’avoir participé à ce réseau, comparaissent. La mère d’une des "mules" présumées, mineure au moment des faits et qui sera jugée par un tribunal pour enfants, comparaît également. Quatorze des prévenus sont en détention provisoire, dont deux femmes.
Les faits jugés, qui ont fait l’objet de deux informations judiciaires ouvertes en décembre 2022 et janvier 2023 par le parquet de Créteil, s’étalent de mars 2022 à juin 2023.
Les "mules" étaient chargées de récupérer dans les sous-plafonds des sanitaires de l’aéroport Félix-Éboué de Cayenne de la cocaïne dissimulée dans des cubis de rhum.
Ces récipients, contenant de la drogue sous forme liquide, étaient remplacés par des cubis normaux achetés à la boutique hors taxes de l’aéroport. Les produits stupéfiants pouvaient aussi être cachés dans des couches, des valises à double-fond, voire dans les sous-vêtements des "mules".
L’une des techniques consistait à apposer sur le passeport des "mules" des pastilles de couleur, sous forme de smileys, utilisées pour le filtrage des voyageurs.
Cette organisation visait à contourner le dispositif "100 % contrôle des passagers" mis en place à l’aéroport de Cayenne en octobre 2022 pour endiguer le flux de cocaïne au départ de la Guyane.
Les enquêteurs ont pu remonter la piste du réseau après la découverte de cocaïne transportée par des "mules" lors de divers contrôles douaniers à l’aéroport d’Orly.
Les policiers de l’aéroport de Cayenne "sont énormément sollicités, pour ne pas dire menacés" par les trafiquants, a déclaré à l’AFP peu avant le début du procès Marion Coiffier, qui défend l’une des agentes de police prévenue.
"Ils sont aussi ciblés parce qu’ils sortent d’école. Ce sont des jeunes policiers, au plus proche de l’organisation interne de l’aéroport", a poursuivi le conseil.
Un vaste coup de filet à Cayenne et Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) entre le 27 et le 29 juin 2023 avait permis l’interpellation de 13 des mis en cause.
Dix kilos de cocaïne et près de 60.000 euros en espèces, dont 30.000 euros à Aubervilliers, avaient alors été saisis, selon le parquet de Créteil.
Entendu pendant l’instruction et cité dans l’ordonnance de renvoi consultée par l’AFP, le chef du service territorial de la police aux frontières de Guyane avait déploré être "à la tête de la plus grande association de malfaiteurs de la police nationale".
"C’est un procès atypique sur deux points", a pour sa part résumé Sophiane Ben Ali, avocat d’une des policières : par le "nombre de personnes qui sont renvoyées", la difficulté étant "de savoir quel est le rôle de chaque personne" et par "le statut d’anciens policiers de ces prévenus".