
Une dette insoutenable, des recettes insuffisantes, des délégations de service public complexes, le tout plombé par une crise insurrectionnelle à l’origine de la destruction d’une partie du réseau. C’est un portrait peu flatteur du Syndicat mixte des transports urbains (SMTU) que dresse la Chambre territoriale des comptes, dans un rapport rendu public mercredi 5 mars. Ses magistrats ont passé à la loupe les comptes et la gestion du syndicat pour les exercices de 2018 à 2023, et ont relevé un certain nombre de dysfonctionnements au sein de cette structure, créée en 2010 afin d’organiser le transport public dans l’agglomération.
Premier enseignement : les émeutes de mai 2024, qui ont provoqué la suspension du réseau – avant sa reprise récente dans un format restreint – et un milliard de francs de dégâts, sont venues aggraver un contexte déjà très préoccupant pour le SMTU. Avant même les violences, le syndicat affichait déjà "une situation budgétaire et de trésorerie très compromise", note la Chambre. Fin 2023, le syndicat était lourdement endetté, à hauteur de 16,6 milliards de francs.
Les recettes, composées à 40 % de la vente de billets et d’abonnements, s’avéraient également "insuffisantes". Elles n’ont en effet jamais atteint les prévisions faites lors de la définition du projet de transport en commun dans l’agglomération. En cause : une surestimation des recettes commerciales, alors même que les tarifs n’ont jamais évolué, et des contributions "stables et insuffisantes" des collectivités membres. À cela s’ajoute une gestion budgétaire et comptable défaillante de la part du SMTU. Plusieurs règles comptables ne sont pas respectées, expose la CTC, remettant en cause "l’image sincère et fidèle des comptes présentés".
Au-delà de l’aspect financier, le rapport pointe également un fonctionnement du syndicat à revoir. La Chambre évoque notamment un cadre juridique "confus". Le syndicat, composé de la province Sud et des communes de Nouméa, Dumbéa, Mont-Dore et Païta, n’inclut pas la Nouvelle-Calédonie, pourtant compétente en matière de transports. "A contrario, la participation à cette gouvernance de la province Sud, en l’absence de toute délégation de compétence de la Nouvelle-Calédonie, est juridiquement fragile", souligne la CTC.
Une confusion et une complexité qui se retrouvent également dans les délégations de service public passées par le SMTU pour l’exploitation de son réseau. La Chambre territoriale des comptes s’interroge sur la pertinence de l’avoir scindé en deux lots, chacun dévolu à un délégataire différent. Cette situation perpétue "une forme de fragmentation", juge la Chambre, et "complexifie l’exercice par le syndicat mixte de ses prérogatives d’autorité délégante".
Par ailleurs, certaines règles et stipulations contractuelles sont régulièrement enfreintes. Certaines clauses liées à la performance et à la fréquentation du réseau, pourtant obligatoires, n’ont jamais été appliquées. Elles devaient permettre d’assurer "une part, même modeste, de rémunération liée à la performance, tempérant le caractère essentiellement forfaitaire de la rémunération des délégataires, d’ailleurs contraire au principe d’une délégation de service public qui doit conserver un élément de risque basé sur l’exploitation", fait remarquer la CTC.
Dans son rapport, la Chambre déplore également l’absence de stratégie à long terme du SMTU. Le syndicat manque en effet de perspectives concernant le développement des transports urbains par le SMTU, "la démarche de révision de déplacements urbains du Grand Nouméa menée entre 2017 et 2020 n’ayant pas abouti, et ce malgré une dépense de 23 millions de francs", fait remarquer la Chambre, invitant ainsi le syndicat à élaborer "un nouveau plan de déplacements".
Les émeutes de mai 2024 ont rendu indispensable, selon la CTC, "l’élaboration d’une programmation pluriannuelle des investissements adossée à un plan de financement réaliste". Une réflexion à mener avec l’ensemble des collectivités membres du SMTU, car "la problématique des déplacements au sein de l’agglomération du Grand Nouméa demeure prégnante". Au terme de son contrôle, la Chambre a formulé huit recommandations de performance et neuf rappels au droit dont devra s’emparer le SMTU.