
Vu le contexte de crise dans lequel se trouve la Nouvelle-Calédonie, le budget 2025 ne présente pas de surprise. Alcide Ponga, président de l’exécutif, l’a réaffirmé lors d’une conférence de presse, jeudi 20 mars, après son adoption par les membres du gouvernement le matin même (les indépendantistes se sont abstenus). Il s’agit d’un "budget contraint, serré, qui demande un effort collectif, afin de retrouver un meilleur visage fin 2025". Car les années qui viennent seront également "compliquées à aborder sur le plan budgétaire", concède-t-il.
Le budget propre de la Nouvelle-Calédonie finance le fonctionnement général des services et des institutions (gouvernement, Congrès, Autorité de la concurrence, Sénat coutumier, etc.). "Les dépenses réelles s’élèvent à 46-47 milliards, fonctionnement et investissement confondus, ce qui est inférieur à ce dont la Nouvelle-Calédonie bénéficiait jusqu’à maintenant", explique Thierry Santa, membre du gouvernement en charge du budget. Parmi les points notables, la poursuite de la baisse des dépenses de fonctionnement, un travail entamé par la Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs années, "face à la crise qui existait déjà avant le mois de mai, développe Thierry Santa, contrairement aux idées reçues". Les charges courantes sont passées de 7,7 à 5 milliards de francs depuis 2019. Le gouvernement prévoit de poursuivre dans cette voie dans les années à venir.

Le volume des subventions et participations atteint 10,2 milliards de francs contre 13 milliards en 2019. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour ceux qui en bénéficient. Par exemple, développe le membre du gouvernement, "nous avons une enveloppe de 750 millions de francs prévue, en accord avec la province Sud, pour une dette 1,4 milliard que nous avons envers elle concernant la gestion de la protection de l’enfance". Certaines subventions ont été maintenues au niveau de 2024, qui était plus bas que celui de 2023, au Conservatoire de musique et de danse, à la bibliothèque Bernheim, l’ALK, etc. "Nous savons qu’ils ont des besoins supérieurs et que cela va être compliqué pour ces établissements de travailler cette année. C’est la même chose pour les directions de la Nouvelle-Calédonie. Nous avons tellement réduit nos dépenses, que plusieurs d’entre elles vont devoir se restructurer." Parmi les premières victimes, l’AFMI, Association de formation des musiciens intervenants, qui assure des cours dans les huit antennes du Conservatoire dans le Grand Nouméa et en Brousse, et qui ferme faute de subventions.
A contrario, l’enveloppe des investissements est préservée.

Ce budget, auquel est affecté un certain nombre de recettes fiscales et de taxes, permet de financer les d’établissements publics. Or, les recettes diminuent de 2,4 % par rapport à 2024 et de 8,7 % par rapport à 2023. Conséquence : le reversement aux organismes est moindre. Les recettes passent de 80 milliards de francs en 2023 à 75 milliards en 2024, et 73 milliards sont prévus cette année. Tous les établissements sont concernés, voici quelques exemples.

Ce budget est réparti entre les collectivités territoriales, provinces, communes et Nouvelle-Calédonie. L’assiette de répartition s’élève à 101,8 milliards de francs grâce à une compensation fiscale du prêt garanti par l’État d’un montant de 19,5 milliards. Sinon, elle serait de 82,3 milliards. Les dotations ont dégringolé en 2024, de 114,2 à 86,1 milliards de francs.

C’est un nouvel "effort significatif" qui va être demandé aux collectivités, indique Thierry Santa, "puisqu’on baisse leurs ressources de 10 %". "Tout le monde est concerné, communes, provinces, Nouvelle-Calédonie." La province Sud va perdre 3,4 milliards de francs, la province Nord 2,2 milliards, et celle des Îles 1,2 milliard.

Seule bonne nouvelle : en 2024, le recouvrement a été supérieur aux prévisions de 4,8 milliards de francs, qui sont répartis sur les provinces (2,6 milliards), les communes (0,9 milliard) et la Nouvelle-Calédonie (1,2 milliard). Enfin, une subvention exceptionnelle de 1,5 milliard est programmée en soutien aux communes, qui n’ont eu de cesse de partager leurs difficultés budgétaires ces derniers mois.

La Nouvelle-Calédonie a obtenu en partie ce qu’elle avait demandé à l’État, à savoir de pouvoir mobiliser une part importante du prêt dès 2025, "une année charnière". Sur les 119,3 milliards de l’enveloppe, 94,6 milliards doivent être versés d’ici juillet, développe Thierry Santa, en charge du budget. "Il restera près de 25 milliards à utiliser en 2026 et 2027." La première tranche de 46,6 milliards de francs servira uniquement à payer une partie des avances remboursables octroyées l’année dernière. À cela s’ajoutent 3 milliards de francs d’intérêts dits intercalaires. Là-dessus, le gouvernement n’a pas été entendu. "Nous avons demandé à l’État de les prendre en charge pour ne pas encore alourdir la charge supportée. Il a refusé."
Le conseil d’administration de l’AFD (Agence française de développement) doit se réunir rapidement, affirme Thierry Santa, afin de valider le décaissement de la première tranche, "qui doit intervenir dès le vote du budget au Congrès, car il est prévu que les 46,6 milliards soient remboursés avant le 31 mars". Les conditions du prêt, elles, sont toujours en discussion, poursuit le membre du gouvernement. "Elles doivent être abordées lors du conseil d’administration. On espère encore des dispositions plus favorables, notamment pour le taux, qui est de 4,75 %."
Le versement de la deuxième tranche, de 45 milliards de francs, est annoncé pour le mois de juillet. Les échanges concernant les contreparties demandées par l’État vont se tenir pendant les deux prochains mois. Il en sera question dès la visite de Manuel Valls, qui devrait arriver samedi 29 mars. "Étant déjà venu, il a pu constater par lui-même que c’était compliqué d’exiger des choses des Calédoniens aujourd’hui. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire, argue Alcide Ponga, mais la priorité est de stabiliser pour que ça ne tombe pas. Et si la machine redémarre, on aura peut-être de meilleures conditions pour pouvoir se poser des questions sur des réformes profondes."
Maintenant que le gouvernement collégial a voté le budget, le document va être examiné en commission des finances au Congrès lundi 24 et mardi 25 mars, avant son passage en séance plénière vendredi 28 mars. Les discussions pourraient être mouvementées. De nombreux élus restent remontés contre l’État, concernant l’emprunt et non une subvention, mais aussi ses conditions financières et les contreparties exigées. Le président de l’exécutif en appelle à la "responsabilité" de chacun. "Derrière, il y a des institutions, toute une économie qui attend. Ce qu’on a mis dans ce budget doit permettre à la machine de redémarrer."