
"Au vu du contexte de fortes restrictions budgétaires et de la baisse des effectifs, nous ne pourrons malheureusement continuer l’accueil de vos enfants les mercredis après les vacances d’avril." C’est par ce message que les parents ont été informés de la décision de la FOL de mettre à un terme à cette offre des mercredis et journées pédagogiques.
La Fédération des œuvres laïques n’était plus en capacité de l’assurer. L’association n’a pas été retenue dans le cadre de l’appel à projets lancé par la ville de Nouméa, l’enveloppe dédiée s’étant contractée "de 30 à 40 %", précise Jean-Brice Peirano, directeur de la FOL, alors qu’elle fait d’habitude partie des structures choisies, avec Les Villages de Magenta et l’Acaf. Or, les aides publiques sont nécessaires pour fonctionner. "Vu les tarifs qu’on pratique, on ne peut pas, à ce prix-là et avec le service proposé, notamment en direction des personnes en situation de handicap, ne pas avoir d’aides, c’est impossible", poursuit Jean-Price Peirano, insistant sur le rôle de service public joué par ces associations. Et puis, la FOL subit une hémorragie de ses effectifs sur les mercredis, avec plus de 60 % de baisse. Pour l’instant, les centres de vacances sont moins affectés.
La FOL est loin d’être le seul organisme concerné. Le malaise est général dans le secteur depuis le début de l’année. "On souffre tous", témoigne Jean-Brice Peirano. Brieuc-Pierre Large, directeur des Villages de Magenta, confirme. Comparé à début 2024, le centre a perdu environ 30 % des enfants qu’il accueillait. ESL évoque entre 30 à 40 % d’enfants en moins sur les vacances. Les mercredis, "c’est une catastrophe, lâche le directeur, Stéphane Denis, la baisse est énorme". Pasport n’est pas épargné, avec une diminution d’environ 30 % du nombre d’enfants. En revanche, les effectifs se sont maintenus sur les vacances d’avril.

Les structures tentent tant bien que mal de s’adapter. "On réduit drastiquement nos frais de fonctionnement", indique Jean-Brice Peirano. Le temps de travail est revu à la baisse. La FOL a fait appel au chômage partiel. Le nombre d’animateurs a dégringolé, passant de 140 à 70. Un plan social est même envisagé. Aux Villages de Magenta, un départ de salarié n’a pas été remplacé, les dépenses sont contractées au maximum. ESL, qui comptait 11 employés en 2020, n’en a plus. Le centre fonctionne avec des animateurs, "mais ce n’est ni le même statut, ni le même salaire", indique Stéphane Denis, le directeur, qui ne se "paie plus depuis les émeutes".
Les causes sont multiples. La FOL accueille majoritairement des familles déjà en difficulté, comme les Villages de Magenta, explique Jean-Brice Peirano, "or, ce sont celles qui sont le plus affectées par la crise. Et les autres font attention parce que cela représente un budget". Elles se débrouillent pour faire garder les enfants par la famille, télétravailler, poser une journée, etc. "On sent que les gens se sont organisés", remarque Stéphane Denis.
À la question financière s’ajoute la suppression de l’aide provinciale Vacances pour tous, destinée aux boursiers (12 000 francs pris en charge par semaine). Or, ils représentent entre 20 et 30 % du public, estime Brieuc-Pierre Large. "Avec l’arrêt du dispositif, ils n’ont plus les moyens de payer." "On n’a plus de boursiers", appuie Stéphane Denis. À la place, la province Sud propose Click & Mouv', qui s’adresse à tous, mais représente une enveloppe de 15 000 francs sur l’année. Le CCAS (Centre communal d’action sociale) de la ville de Nouméa a également arrêté de délivrer ses bons. Tout cela, bien sûr, sans compter les nombreux départs du territoire.

Ces décisions ne sont pas sans conséquence pour les familles, dont celles avec des enfants qui sont en situation de handicap, que la FOL est le seul organisme à accepter. Résultat, 40 d’entre elles ont dû être refusées en centre pendant les grandes vacances, faute de moyens. "L’inclusion, la mixité et l’accessibilité, tout ça, c’est en train de tomber. On craint que cette offre avec ces valeurs disparaisse. Et cela renforce la précarité sociale", analyse Jean-Brice Peirano.
L’autre impact concerne le contenu. Des économies signifient moins d’animateurs, de personnels, d’intervenants, de déplacements, etc., c'est toute une chaîne économique qui s’en retrouve affectée. Or, et c’est ce que les collectivités oublient, estime le directeur de la FOL, et que le Collectif des associations essaie de rappeler, c’est "qu’on est des employeurs, des créateurs de richesses et de lien social".
Les responsables de structure partagent la même inquiétude : le devenir des enfants qui ne pourront pas être gardés. "On a averti les institutions sur les conséquences, des jeunes qui vont se retrouver à la rue, déplore Brieuc-Pierre Large. Avant, grâce aux aides, les vacances étaient accessibles, maintenant, cela devient un luxe." Stéphane Denis y voit "une bombe à retardement".
L’année s’annonce compliquée. Le seul objectif, pour Brieuc-Pierre Large, est désormais de survivre "en espérant que les choses se relancent". L’avenir est incertain. Et des familles ont déjà utilisé tout le montant de Click & Mouv'. C’est la crainte de Loïc Becker, qui pense avoir fait le plein en avril notamment grâce à ce dispositif. Le directeur de Pasport anticipe "une grosse perte d’effectifs au fur et à mesure que l’année va passer, donc on fait tout pour s’y préparer et essayer de tenir".

Au plus fort de la fréquentation, les mercredis et les centres de vacances de la FOL accueillaient environ 2 500 enfants sur l’année. En 2023, ils étaient 2 350, dont 12 % concernaient les enfants en situation de handicap. Et la FOL était présente sur deux communes, Nouméa et Dumbéa. Les chiffres ont baissé l’année dernière, avec 1 950 enfants. Et, cet été, l’équipe a commencé "à devoir réduire les places d’enfants en situation de handicap. Pendant les grandes vacances, nous avons refusé plus de 40 familles avec une centaine d’inscrits". Et après une reprise fin 2024, "la tendance s’est inversée cette année, avec une baisse jusqu’à 60 % des effectifs", sur les mercredis.
La FOL est également "en attente de confirmation pour les aides publiques indispensables au maintien de l’offre 2025", de la Dpass pour le handicap (avec une somme diminuée de plus de moitié), de la province Sud et du gouvernement. L’an dernier, afin de poursuivre l’offre dédiée aux enfants en situation de handicap, la structure a dû la financer en partie sur fonds propres, avec pour conséquence, de "ne plus avoir de marge sur la trésorerie".