
Devant le "violentomètre", Zana, 15 ans, hésite. Dans sa main, une phrase écrite sur un morceau de plexiglas : "Il se moque de toi en public". Le jeune lycéen est chargé de mesurer la gravité d’une telle situation et de la placer en conséquence sur une échelle qui s’étend de "tout va bien" à "tu es en danger". "C’est peut-être juste un jeu", justifie l’élève de seconde, interrogé sur ses quelques instants d’incertitude. "Sauf qu’il est bien indiqué qu’il y a du monde autour, ce qui va entraîner un regard des autres sur la personne moquée", corrige Anne-Cécile Selefen, évoquant une scène "anormale", propre au harcèlement. Ce mercredi 23 avril, la psychologue clinicienne de la police nationale faisait partie de la dizaine de professionnels qui ont accepté de participer à la journée de prévention contre les violences, organisée au lycée Do Kamo pour la troisième année consécutive.

Après une présentation individuelle des intervenants, les élèves se sont répartis dans les classes où se déroulaient différents ateliers, tous en rapport avec la violence et la façon de l’éviter. "Il y a des associations de femmes, de victimes, la police, des psychologues, des professeurs de théâtre…", énumère Daniel Collet, documentaliste de l’établissement, aux manettes de cette journée de sensibilisation.
L’objectif affiché de l’évènement : couper court à la banalisation des actes de violence chez les jeunes, et en particulier au sein du couple. À l’image de l’hésitation de Zana, les faits de violence et de harcèlement deviennent difficiles à repérer par des jeunes surexposés à ce genre de scènes. "Même au sein du lycée", reconnaît Daniel Collet. C’est d’autant plus grave pour les victimes, qui ne perçoivent pas les premiers signes d’une relation qui sombre dans la violence.

"L’essentiel pour eux, c’est la prévention. Quelqu’un de bien avisé saura déceler une situation qui réunit les ingrédients de la violence", pense également Vincent Than-Trong. Pour ceux qui n’auraient pas su repérer ces "signes avant-coureurs", l’instructeur de self-défense a offert quelques techniques aux adolescents. Se défaire d’une emprise, parer un coup et, si la situation l’exige, le rendre pour mieux s’échapper. "Ça pourrait être utile", estiment Norina, Régine et Isabella, âgées de 15 à 16 ans, en sortant de l’atelier de Vincent Than-Trong. Les trois lycéennes avouent côtoyer la violence au quotidien, "que ce soit au lycée, à la maison ou sur les réseaux sociaux". "C’est presque devenu une habitude", constate Norina.
Les émeutes de mai 2024 n’ont évidemment rien arrangé. Les jeunes ont été un certain nombre à prendre part aux violences. "Ça nous a un peu découragés, de voir notamment que nos élèves étaient impliqués, mais ça nous a aussi confortés dans notre idée qu’il y a une impérieuse nécessité à organiser cette journée", relève Daniel Collet. La série d’ateliers visait à mettre à disposition des adolescents une "boîte à outils" à utiliser pour repérer des situations de violence ou qui y mènent. "Et surtout leur faire comprendre qu’elles ne sont jamais quelque chose de normal."
