
Il y a eu un véritable traumatisme, je crois qu’il ne faut pas se mentir à ce sujet. Le pays a été durement touché. Quand on regarde le nombre d’entreprises détruites, c’est vraiment significatif. En Nouvelle-Calédonie, on dénombre 23 000 entreprises, dont 90 % sont des microentreprises. Dans les 10 % restants, un quart ont été détruites. C’est colossal. Un an après les émeutes, 50 % des entreprises rencontrent encore des problèmes de trésorerie. Il y a une véritable détresse et des gens marqués psychologiquement.
Pour autant, il faut restaurer la confiance. Sur ce point, j’ai senti de la part des entrepreneurs une véritable envie de recommencer. Tout notre rôle, à la CCI, c’est de voir dans quelle mesure nous pouvons les accompagner techniquement, psychologiquement et politiquement pour leur redonner cette confiance.
Il faut déjà comprendre pourquoi ils hésitent. C’est d’abord parce que les assurances ne remboursent pas. Aujourd’hui, seules 40 % des sommes ont été versées. Il faut donner davantage de visibilité sur les indemnités. Si les assurances jouent leur rôle, nous avons tous les outils d’accompagnement à disposition des entreprises : défiscalisation, prêts bonifiés, etc.
Autre élément de la confiance : faire en sorte que les émeutes soient véritablement derrière nous. Je sais que des discussions sont en cours sur l’avenir institutionnel. Il faut que cet accord voie le jour. Car même si l’économie n’aime pas attendre du politique, ce qui s’est passé il y a un an relève d’un vrai problème politico-social. Il faut le résoudre.
Des réflexions sont en cours avec l’État. Il faudra une solution, sinon on met à l’arrêt l’économie. Sans continuité assurantielle, c’est fini. Donc, il faut qu’on trouve des moyens pour minimiser le risque pris par les assurances tout en permettant aux entreprises de s’assurer à un prix correct. C’est le rôle de l’État : y aller quand le privé n’ose plus.
Ce qu’il faut, c’est éviter la double peine : avoir subi la destruction de son entreprise et reconstruire à l’identique. La reconstruction doit absolument passer par une diversification de l’économie, en termes d’activité et de géographie. Il faut faire de ce qu’il s’est passé une opportunité pour penser différemment et imaginer ce que pourrait être la Nouvelle-Calédonie dans dix ans. Il y a un véritable travail de prospective à mener.
Ce territoire doit d’abord se diriger vers une diversification de ses activités. Sa grande force, c’est sa culture industrielle et les compétences issues du nickel. Je rappelle que l’industrie, c’est ce qui manque le plus à la France. Il faut garder cela. Mais on sait que le nickel, il ne faut pas continuer à miser dessus. Selon moi, il faut désormais investir l’industrie agroalimentaire. Il y a encore du boulot à faire à ce sujet, notamment dans la transformation des produits et l’autosuffisance alimentaire. Le deuxième secteur que j’ai repéré, c’est l’aérien, avec des projets de maintenance aérienne qui peuvent être porteurs. Même chose pour l’activité portuaire. C’est ici qu’il faut s’appuyer sur les compétences industrielles acquises. Il y a aussi le tourisme, avec des opportunités extraordinaires. Dernier axe de diversification : le service aux entreprises.
Les entreprises ont l’opportunité d’internationaliser leurs services. Je pense à des pays comme Fidji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu, un peu l’Australie, même si c’est un marché déjà saturé. Prenons l’exemple de la Papouasie : 10 millions d’habitants et un investissement massif de Total. La Nouvelle-Calédonie doit être présente pour accompagner ce genre de projets, portés par des entreprises françaises.
Pour cela il faut des compétences, en particulier pour être capable de s’internationaliser, ce que la CCI peut offrir. Cette diversification dans son ensemble nous amènera à être plus inclusifs, notamment pour faire vivre cette économie tribale fondamentale pour la Nouvelle-Calédonie, et ça fait partie de la quête d’un vivre-ensemble visant à assurer le développement du territoire dans les 20-30 prochaines années.
Le plus grand facteur d’inclusion, après le monde associatif, c’est l’entreprise. Ça l’a toujours été.
Quelle que soit votre fiscalité, elle ne peut rien face au manque de stabilité. J’ai été investisseur et ce que je recherchais, c’était essentiellement de la stabilité. Donc c’est bien de réfléchir à la fiscalité, mais ce n’est pas la priorité selon moi.