
Le texte présenté aux élus du Congrès mardi 29 avril par Jérémie Katidjo Monnier, membre du gouvernement en charge de la politique de l’eau, a suivi un long parcours, porté par trois gouvernements successifs et passé 18 fois en commission. S’il a provoqué de vives oppositions, il a finalement été adopté avec 33 voix pour (Calédonie ensemble, Éveil océanien, UNI et UC-FLNKS Nationalistes), 12 abstentions et 2 contre (Intergroupe Loyalistes et Rassemblement).
En Nouvelle-Calédonie, la gestion de l’eau est répartie entre différentes collectivités, les communes, les provinces et le territoire. De plus, le régime et la lutte contre la pollution des eaux sur le territoire datent de 1968, des règles jugées aujourd’hui "obsolètes, peu applicables et non dissuasives". Cela complique la capacité du territoire à exercer sa compétence, "en particulier la police de l’eau". Il fallait donc y remettre de l’ordre afin de renforcer les compétences de la Nouvelle-Calédonie en matière de protection de l’eau et de régulation de ses usages. D’où l’importance de ce texte, estime Philippe Dunoyer, élu Calédonie ensemble, dont le groupe en est le rapporteur. "La ressource en eau est un bien collectif, précieux et crucial. Or, elle est menacée par les catastrophes naturelles, les effets du réchauffement climatique, l’action humaine, etc., donc il faut la préserver."
Le domaine public de l’eau comprend les cours d’eau, les lacs, les eaux souterraines et sources qui ne sont pas situés sur terres coutumières. Cette nouvelle définition opère une restriction en mettant de côté les ressources qui ne sont pas stratégiques. "Un petit cours d’eau ou le lac de Yaté, ce n’est pas le même besoin en termes de protection, explique Philippe Dunoyer. Cela va faciliter la vie quotidienne d’un certain nombre de personnes, en réduisant les contraintes administratives pour se concentrer sur les points les plus importants". À noter que le projet de loi donne la possibilité aux coutumiers de confier la gestion de la ressource en eau à la Nouvelle-Calédonie via une convention s’ils le souhaitent.
Le projet de loi prévoit notamment que l’ensemble des ouvrages, des installations, des travaux et des activités qui prennent place sur le domaine public de l’eau doivent bénéficier d’une autorisation. "Par exemple, si je veux installer une captation d’eau sur une propriété, il faut passer par les services de la Nouvelle-Calédonie, pour qu’ils puissent en étudier la nature et le volume, et ainsi avoir une vision globale de tous les captages qui existent", développe Philippe Dunoyer. Les occupants qui ne détiennent pas d’autorisation ont un an pour se mettre en conformité. En revanche, les ouvrages qui ont plus de 10 ans sont régularisés d’office.
Un des points bloquants du texte a, par ailleurs, été retiré. La redevance domaniale qui était prévue a été supprimée en raison de l’opposition d’une partie des élus, notamment de l’Intergroupe Loyalistes et du Rassemblement. Le produit de la redevance devait être versé au Fonds de soutien de la politique de l’eau partagée. Autre suppression : la disposition qui prévoyait que les activités d’épandage, de dispersion et d’infiltration susceptibles d’altérer la qualité des eaux du domaine public soient encadrées par une délibération.
Enfin, des sanctions sont prévues en cas de dégradation et d’occupation irrégulière du domaine public de l’eau par une amende maximale de 1,4 million de francs, complétée par un ensemble d’infractions pour lesquelles l’amende peut atteindre plusieurs millions de francs.
Deux aspects ont particulièrement fait débat lors de la séance, mardi. D’abord, la question de la compétence. Philippe Blaise (Intergroupe Loyalistes) considère que la gestion de l’eau est révélatrice de la problématique du "millefeuille administratif". Le représentant plaide pour la création d’un guichet unique. "Il faudrait une cohérence en matière d’échanges entre les usagers, notamment les agriculteurs, et les administrations. Or, les compétences agricoles et environnementales sont provinciales. Donc cela serait incohérent de laisser la compétence des cours d’eau au gouvernement." Ensuite, la problématique de distinction entre domaine public et terres coutumières. Lionnel Brinon (Intergroupe Loyalistes) défend une application du texte partout, quelque que soit le statut du foncier. "Il ne va pas s’appliquer sur terres coutumières. Des obligations vont s’imposer aux uns et pas aux autres. Cette loi du pays crée encore des différences entre les populations. Nous défendons une société ou les mêmes règles et lois s’appliquent à tous. C’est inéquitable."
