
"Cela faisait très longtemps qu’on attendait ce moment." Dressé sur un monticule de terre qui domine la baie, Suakini Tuipolutu observe, tout sourire, plusieurs jeunes s’affairer sur un chantier, quelques mètres en contrebas. Ce "hoko", le chef du village de Ha’afuasia, à Wallis, ne cache pas son émotion. Chaque jour depuis Pâques, une dizaine de Calédoniens du RSMA de Koné ne ménage pas leur peine pour reconstruire la route d’accès au bord de mer, malmenée par les fortes pluies et qui ne pouvait plus être empruntée qu’à pied. Ces travaux de réfection (qui n’avaient plus été réalisés depuis une trentaine d’années) peuvent sembler anodins, sauf qu’ils sont hautement symboliques pour ces habitants très croyants.
Car au bout du bitume se trouve Vailupe, que les riverains renomment volontiers le "Lourdes" de Wallis. Cette chapelle nichée dans un écrin de végétation luxuriante, dédiée à la Vierge Marie, est devenue lieu de pèlerinage pour les Catholiques et aurait le pouvoir de guérir certains malades.

Forcément, les jeunes du RSMA qui triment toute la journée sous une chaleur accablante ont toute la reconnaissance des habitants de Ha’afuasia et plus particulièrement des mamans, pour qui "ce coup de main précieux" est perçu comme un "privilège". C’est pourquoi chaque matin, elles viennent leur offrir café et viennoiseries, puis chaque midi, un déjeuner préparé plusieurs heures au four traditionnel à base d’ignames, de taros et de fruits à pain. Le tout accompagné de bonnes tranches de rire.

L’occasion de faire découvrir une autre culture à ces Calédoniens. Et une "grande fierté" pour leur chef de section au régiment, de retour dans son village natal. "J’ai vécu ici jusqu’à l’âge de 8 ans et c’est un lieu très important pour nous. Je suis très heureux de contribuer à apporter ma pierre afin de mieux valoriser cet endroit. Cela pourrait attirer quelques visiteurs et permettre ainsi de développer des activités pour la population de ce village un peu abandonné", confie Kilisitofo Tafilagi, qui a saisi l’opportunité de l’exercice Croix du Sud, déployé par les Forces armées en Nouvelle-Calédonie (Fanc) à Wallis-et-Futuna, pour offrir une expérience unique à ces jeunes pendant deux semaines. "Externaliser ce chantier d’application est une manière pour ces jeunes de pouvoir sortir du pays tout en leur assurant une action professionnalisante, poursuit l’encadrant. Ils se forment et en même temps ils découvrent une nouvelle culture et apprennent quelque chose de plus, que l’armée ne peut leur enseigner."

Et ce n’est pas Giovanni Hnaije, volontaire au RSMA originaire de Lifou, qui le contredira : "Découvrir Wallis, c’est une chance, estime ce jeune homme de 29 ans. J’ai des amis qui sont originaires d’ici, donc voir leur île et les habitants, ça me permet aussi de mieux comprendre leur culture, leur lieu de vie, etc."
Un enthousiasme que partage Zépahnia Toussi, 25 ans, de Canala. "Sortir de notre compagnie pour mener un aussi grand chantier, tout en échangeant avec la population de Wallis qui est très impliquée et aux petits soins pour nous, c’est une toute nouvelle expérience et un vrai partage de nos différentes coutumes du Pacifique, glisse cette jeune femme (la seule de ce groupe), qui a de la suite dans les idées. À l’issue de ma formation au RSMA, je veux m’engager dans les métiers du génie pour apprendre à manipuler les machines, comme les engins sur mine. Ce n’est pas qu’un travail de garçons. Le plus important, c’est d’aimer ce qu’on fait. Et même si elles sont encore rares dans ces domaines, les femmes s’affirment de plus en plus."
