
Les non-indépendantistes et les indépendantistes sont arrivés à trouver des points d’équilibre sur un certain nombre de sujets, les institutions, la citoyenneté, la nationalité, sur le plan économique, social, etc. Mais, le sujet qui est le plus difficile, que le ministre Manuel Valls qualifie de clé de voûte, c’est le lien avec la France et la question de l’acte d’autodétermination. On s’est dit que cela allait être difficile de parvenir à un consensus là-dessus. Les uns et les autres ont dit qu’à un moment donné, il faudrait que l’État, en tant que partenaire, puisse donner sa vision de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. C’est ce qu’a fait le ministre en mettant ce projet d’indépendance et de pleine souveraineté en partenariat avec la France sur la table.
C’est ce que porte le Palika depuis 2013. Sur les six formations politiques présentes à Deva, le FLNKS, l’UNI pour les indépendantistes, Calédonie Ensemble, l’Éveil océanien, les Loyalistes et le Rassemblement pour les non-indépendantistes, il y en a quatre qui sont favorables au projet présenté par le ministre, et deux qui y sont défavorables. Il nous semble que c’est l’option qui concilie les deux points de vue, celui de ceux qui veulent le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France et celui de ceux qui veulent que le pays accède à la pleine souveraineté.
Il y a deux positions diamétralement opposées. Les non-indépendantistes refusent tout accord qui mènerait la Nouvelle-Calédonie vers l’indépendance quelle que soit sa forme. Et pour les indépendantistes, l’objectif est l’accession du pays à la pleine souveraineté. L’effort qu’on a fait, c’est d’aller vers les autres et de dire : c’est la souveraineté avec la France, une option qui tient compte des deux positions. C’est déjà un compromis, un pas que nous faisons vers l’autre.
Tout à fait, parce qu’ils sont uniquement allés dans leur sens. C’est faux de dire que les formations politiques ont été mises devant le fait accompli. Quand le ministre est arrivé fin avril, il a fait des bilatérales avec toutes les formations et les a informées du projet qu’il entendait mettre sur la table. Donc il a parlé de souveraineté avec la France. Et cela n’est pas venu de son chapeau, cela fait suite aux discussions avec les uns et les autres.
Ils proposent que la Nouvelle-Calédonie soit un pays fédéré dans la France. Et si ce n’est pas accepté, ils suggèrent que les provinces Nord et Îles soient dans une souveraineté partagée avec la France, et que la province Sud ait un statut de pays fédéré dans la France, et que les communes de Thio et Yaté seraient rattachées à la province des Îles. Nous considérons que c’est une partition du pays qui est inconcevable. Cela ne peut pas marcher, c’est impensable.
L’UNI veut privilégier la reprise des discussions dans le cadre du comité de suivi proposé par le ministre. Nous souhaitons poursuivre le processus de dialogue engagé sur les bases du consensus partiel qui s’est dégagé du conclave de Deva. On ne veut pas privilégier les provinciales, parce que ça risque de poser d’autres problèmes.
Quand on parle des provinciales en novembre, c’est sur quel corps électoral ? Est-ce qu’il serait gelé ou ouvert ? Cette alternative précipiterait le pays dans un processus de campagne électorale, qui se succéderait avec les élections municipales prévues en mars 2026 et les élections présidentielles puis législatives en 2027. Cela n’est pas gage de construction, de cohésion et de refondation. Les Loyalistes disent qu’ils vont tout faire pour que le corps électoral soit ouvert. Et les indépendantistes, comme il n’y a pas eu d’accord, voudront rester sur un corps électoral gelé. Si on organise les élections sur la base d’un corps électoral gelé, il y aura des recours.
Il y a un mur devant nous qui est infranchissable pour les uns et pour les autres. Dans ce cas, on demande au peuple de trancher. Nous n’excluons pas la possibilité d’organiser un référendum qui mettrait sur la table les deux options, le fédéralisme dans la France et la souveraineté avec la France. Et le ministre dit que si on arrive à trouver un accord, les élections provinciales peuvent être reportées.
On salue le courage de Manuel Valls. Jamais personne ou aucun ministre n’a fait ça auparavant. Le représentant de l’État qui est en charge du dossier calédonien a un rôle déterminant. Quand il y a eu Pons, Rocard, Lecornu, Darmanin, à chaque fois, on sait ce qu’il s’est passé. Donc, on salue l’engagement et l’initiative prise par le ministre. C’est de la responsabilité de l’État de faire en sorte de trouver un chemin qui peut concilier les deux positions. Il l’a fait. Les non-indépendantistes le descendent, disent que sa proposition n’est pas validée par le Premier ministre ou le président de la République. Ils sont en train de saboter son travail et ils veulent jouer la montre. Parce que s’il y a changement de gouvernement en France, ils espèrent peut-être que quelqu’un de leur camp prenne la place de Valls et qu’il aille dans leur sens.
Je pense que les non-indépendantistes sont capables, dans les discussions, d’aller plus loin. Si on arrive à reprendre le dialogue et que l’État apporte des garanties, réaffirme qu’il sera là, parce que quand on dit partenariat avec la France, cela implique que les compétences que l’on ne pourra pas exercer comme la défense, le maintien de l’ordre, la justice, soient exercées par l’État, je pense qu’on peut avancer.
Après, il y a des radicaux des deux côtés, et ce n’est pas en étant dans des extrêmes qu’on va arriver à construire le pays. Le vivre ensemble, le destin commun, tout le monde le souhaite. Mais quand il faut trouver la voie médiane pour concilier les positions des uns et des autres qui sont à l’opposé, il n’y a plus personne. Et il y a des élections devant nous, donc il faut tenir des discours fermes. Nous, on porte une vision modérée, comme celle de Jean-Marie Tjibaou à l’époque, qui a fait ce qu’il a fait pour le bien de la communauté entière. Les responsables calédoniens doivent assumer leurs responsabilités et se dépasser pour trouver une solution.