
En 2023, Simon Mery, expert de la division santé et protection sociale de l’Agence française de développement (AFD) à Paris, avait déjà effectué une première mission santé en Nouvelle-Calédonie. Il s’agissait alors d’accompagner le précédent gouvernement dans l’élaboration de la réforme structurelle du système de santé. Si cette activité d’appui-conseil de l’AFD est toujours la même, la situation, elle, a évolué. Depuis, la crise est passée par là, impliquant une redéfinition par l’exécutif de ses priorités. "Ce qui avait été décidé à l’époque ne peut pas être mis en place de la même manière aujourd’hui, parce que le contexte financier n’est pas le même", introduit Ambre Eono, chargée du secteur santé/médico-social à l’agence AFD de Nouvelle-Calédonie.
L’objet de la venue de Simon Mery était donc, dans cette période post-crise, d’identifier les besoins à l’aune des changements structurels induits par les émeutes de 2024, qui ont aggravé une crise des finances publiques amorcée il y a plusieurs années et, surtout, engendré une importante pénurie de professionnels de santé. Il s’est agi de déterminer "comment on peut accompagner le gouvernement à tenir ses objectifs de maîtrise des dépenses", indique l’expert. Sur ce point, Simon Mery explique que l’exécutif, via la mise en place de l’Oceam, Objectif calédonien d’évolution des dépenses d’assurance maladie, en 2022, "travaille à rester à périmètre constant en termes de dépenses". Parmi les pistes d’amélioration évoquées, "la digitalisation et la numérisation du système de santé", une mesure sur laquelle les élus du Congrès s’étaient penchés lors de l’examen de la réforme du Ruamm en 2023.
L’enjeu central consiste à "améliorer l’organisation des soins et repenser le maillage territorial", appuie Simon Mery, dans un contexte "extrêmement fort de pénurie d’accès", dont "la matérialisation s’est faite par le drame il y a trois jours, à Koumac, du décès d’une personne devant le centre de santé". "La disponibilité de la ressource humaine est vraiment le goulot d’étranglement." Le manque de soignants présente un risque accru "de renoncement aux soins". Avec, pour conséquence, des patients qui se retrouvent dans des situations plus graves, ce qui s’est produit. Certains "se rendent aux urgences dans des états de santé de détresse, que ce soit cardiaque, respiratoire", raconte Simon Mery, et cela au sein même d’une population dont "une partie est précaire et dans un état de santé plus dégradé que dans d’autres territoires, en raison de la prévalence de pathologies comme l’obésité". Il existe donc une "urgence à améliorer l’accès aux soins" et à "garantir un accès réel et équitable".
Autre sujet de réflexion : la mise en place d’une agence de régulation, qui devait accompagner l’instauration de l’Oceam, mais qui n’a toujours pas vu le jour. "Sa constitution n’est pas encore pleinement consensuelle", pose Simon Mery, qui pense cependant nécessaire l’évolution de la gouvernance. "Cela peut passer soit par la création d’une agence, soit par le fait de transformer, de faire évoluer les missions de la Dass ou de l’ASS."
Enfin, une analyse porte sur une problématique commune rencontrée par les territoires francophones du Pacifique, Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Nouvelle-Calédonie, celle de la régionalisation de la formation des ressources humaines. Il s’agit de voir "quelle stratégie régionale mettre en place, quelles formations réalisées ailleurs pourraient se faire localement".