
Depuis Nice où s’est ouverte, lundi 9 juin, la 3e conférence des Nations Unies sur l’océan, Moetai Brotherson, président de la Polynésie française, a annoncé la modification du classement de Tainui Atea, l’aire marine gérée créée en 2018 qui englobe l’intégralité de la ZEE polynésienne, soit quasiment " la moitié de l’espace maritime français", en aire marine protégée (AMP). Ce changement impliquera l’application de nouvelles règles : l’interdiction de l’exploitation minière des fonds marins et des dispositifs de concentration de poissons dérivants, la transmission obligatoire des données bathymétriques et géophysiques, le renforcement des règles de biosécurité maritime et la lutte contre la pollution, ainsi que la reconnaissance formelle de la pêche durable palangrière, avec un plan de gestion spécifique.
La quasi-totalité de la zone économique exclusive de l’archipel, soit 4,55 millions de km2, va être placée sous protection minimale, tandis qu’une partie représentant 20 % de la ZEE (soit 900 000 km2) sera reconnue en protection dite stricte, c’est-à-dire que toute activité devrait y être interdite. Elle sera constituée de deux zones. La première, située à l’ouest des îles de La Société (220 000 km2), est "reconnue mondialement comme un espace d’intérêt biologique notamment pour les requins, les raies et les tortues". Surtout, elle est mitoyenne d’une zone où pullulent les navires de pêche étrangers, et des ZEE des îles Cook et des Kiribati, où est envisagée une exploitation des fonds marins, a rappelé le président du Pays : "Cette zone de protection forte constituera un plaidoyer majeur en faveur de la protection de nos océans". La seconde (680 000 km2) sera située aux abords des Gambier, encore "ignorée des scientifiques et des écotouristes".
Un espace de 200 000 km2, ouvert à la pêche artisanale, sera, lui, placé en protection dite forte. Ce qui permettra de porter la zone fortement protégée à 1,1 million de km2, "soit une superficie environ deux fois supérieure à celle de la France continentale", souligne l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui estime qu’il s’agira de la plus grande aire marine protégée au monde.
Emmanuel Macron a salué sur X une "décision historique qui marque un tournant dans la protection de l’océan Pacifique". "Nous donnerons à la Polynésie les moyens pour surveiller ces zones, protéger tout cela, l’accompagner", a ajouté le chef de l’État.
Cette seule annonce permet à la France, dont le domaine maritime couvre 11 millions de km2 (le deuxième au monde), de porter à 78 % la part de ses eaux placées sous protection, un terme large qui inclut des zones où les restrictions d’activités sont minimales. Sur cette surface, 14,8 % sont désormais considérées comme fortement protégées, contre 4,8 % avant l’annonce de Moetai Brotherson. "Nous félicitons la Polynésie française pour sa vision et nous espérons qu’il s’agit d’une nouvelle tendance dans l’établissement d’AMP hautement protégées à grande échelle", a déclaré Razan Al Mubarak, présidente de l’UICN, dans un communiqué.

À la veille de l’Unoc, la conférence de l’ONU sur les océans à Nice, le président de la Polynésie française Moetai Brotherson a cosigné avec son homologue des Palaos Surangel Whipps Jr., un article pour dire non à l’exploitation des fonds marins. Les deux représentants craignent des "dommages environnementaux irréversibles", parlent de "risques pour la santé des océans et la stabilité du climat" ainsi que "de gains économiques incertains", et redoutent "des tensions géopolitiques qui déstabiliseraient ce continent océanique pacifique". Outre les échecs - comme lorsque la Papouasie-Nouvelle-Guinée a perdu son investissement de 120 millions de dollars dans sa participation dans un projet d’exploitation minière en eaux profondes quand l’entreprise canadienne à l’origine du projet, Nautilus Minerals, a fait faillite -, les incertitudes et les conséquences sur des décennies - les deux hommes prennent pour exemple Nauru, qui a exploité le phosphate pendant des années -, la tribune rappelle que les îles du Pacifique font déjà face à la montée des eaux, au blanchissement des coraux, à l’intensification des épisodes climatiques, au réchauffement des mers, et donc à la mise en danger de la sécurité alimentaire de leurs populations. Dans ce contexte, "l’exploitation minière en eaux profondes est aujourd’hui inacceptable", affirment les deux élus. Le texte, publié dans la revue scientifique Nature, se veut un message fort envoyé à la communauté internationale.