
Les chiffres sont alarmants : en Nouvelle-Calédonie, 16 % des jeunes entre 10 et 12 ans avouaient, en 2019, avoir des pensées suicidaires. Ils étaient 9 % à avoir déjà tenté de mettre fin à leurs jours, selon le baromètre santé jeunes. Six ans après cette étude retentissante, difficile d’imaginer que ce phénomène a disparu. Parmi le personnel de santé scolaire, on estime au contraire qu’il s’est renforcé. "Il y a une augmentation du mal-être chez l’élève", constate Sandrine Mollard, infirmière scolaire au collège de Kaméré, qui s’additionne à "une consommation de plus en plus jeune" de produits stupéfiants et d’alcool.
"Le passage de la primaire au collège comporte des risques, en particulier au niveau du harcèlement", complète Hélène Pichot, chargée de mission santé scolaire au sein du gouvernement, qui s’inquiète d’autre part des "effets résiduels" de la crise insurrectionnelle de 2024. Face à cet état des lieux inquiétant, l’exécutif a introduit en début d’année une nouvelle visite médicale préventive au collège [1]. Elle vient s’ajouter à celles déjà réalisées en maternelle et en primaire.
Le dispositif, d’abord mis en place dans les îles Loyauté, vient de s’étendre aux établissements de la province Sud. Le collège de Kaméré a été le premier à en profiter, mardi 8 juillet : des médecins de la province Sud ont reçu une quinzaine d’élèves de sixième pour un examen clinique, suivi d’un entretien individuel où la santé mentale occupe une place centrale. Plusieurs tests sont réalisés pour identifier un éventuel mal-être, voir un état dépressif, chez l’adolescent.

Outre l’aspect psychologique, cette nouvelle visite médicale, facultative, vise à "dépister tous les troubles qui peuvent affecter l’apprentissage de l’enfant". L’élève est soumis à plusieurs examens (auditifs, visuels, orthophoniques…), avant d’être ausculté. Le schéma vaccinal est également vérifié et un rappel peut être effectué, sur autorisation des parents. "On s’attend à ce qu’environ 10 % des enfants examinés soient diagnostiqués d’un trouble" qui leur était inconnu, estime Hélène Pichot. Un chiffre qui pourrait être encore plus élevé dans certains quartiers sinistrés, comme celui de Kaméré, déserté par les professionnels de santé depuis les émeutes de mai 2024. "Une partie des familles rencontrent des difficultés d’accès aux soins", reconnaît la chargée de mission.
Les élèves diagnostiqués d’un trouble de l’apprentissage ou d’une quelconque pathologie (obésité, diabète, problèmes dentaires, etc.) font ensuite l’objet d’un suivi par l’infirmière scolaire, qui peut accéder aux informations de la visite médicale avec l’accord des parents. "L’idée est d’accompagner l’élève et la famille en fonction du besoin." Il s’agira notamment d’orienter vers des professionnels de santé spécialisés.
"Le but c’est vraiment de garantir le bien-être physique, mental et social de l’élève pour l’accompagner dans sa réussite éducative", affirme Sandrine Mollard. Financée par le produit de la taxe sur les produits sucrés, dont un des objectifs était justement de financer des opérations de prévention, cette nouvelle visite médicale au collège n’est "qu’un premier pas" vers un suivi plus exigeant de la santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie. "On espère aller plus loin en instaurant un entretien infirmier au lycée", révèle Hélène Pichot.

À terme, un "dossier numérique de santé scolaire" pourrait également voir le jour, dans lequel seraient enregistrées l’ensemble des données collectées durant les visites médicales de l’élève, et qui serait accessible aux parents et aux professionnels de santé scolaire.