
Le "quotidien" à la présidence, et la "politique de fond" à Tarahoi. C’est ainsi, d’après Tony Géros, qu’avaient été "partagés" les sujets de discussion avec Manuel Valls.
Moetai Brotherson, qui ne s’est pas exprimé – pas plus que le ministre des Outre-mer – à l’issue de l’entretien de ce mercredi matin, le premier d’une longue série de rencontres officielles pour le ministre des Outre-mer.
Mais on sait qu’il souhaitait mettre sur la table les questions de sécurité, de trafic d’ice en particulier, les questions environnementales, maritimes, d’énergie, d’archives ou de santé, qui continueront, quoi qu’il arrive, à être discutées tout au long de la semaine de visite. Au président de l’assemblée, donc, le fond du combat du Tavini : le nucléaire et la décolonisation. Des sujets sur lesquels Tony Géros s’est fait accompagner par Oscar Temaru, président du groupe bleu ciel à l’assemblée, et tout juste arrivé de sa marche vers Tarahoi au sein du cortège de militants du Tavini.
Et malgré l’ambiance plutôt hostile sur le parvis de l’assemblée, la rencontre protocolaire, elle, semble s’être bien passée. Manuel Valls, dont les deux leaders Tavini ont apprécié les réponses "courtes" et le ton "engagé", ont ainsi brièvement échangé sur le football – un intérêt commun pour Barcelone, semble-t-il –, sur la politique nationale ou le récent accord calédonien de Bougival. Mais le gros de l’échange a tout de même porté sur la demande d’ouverture d’un dialogue de décolonisation et d’un processus d’autodétermination en Polynésie. Demande auquel l’État n’est toujours pas décidé à accéder.
"L’État continue à camper sur ses positions. Donc bien entendu, nous on ne peut pas en faire autrement", résume le président de l’assemblée et vice-président du Tavini après la rencontre. Mais Tony Géros a tout de même décelé, chez l’ancien Premier ministre, dont c’est la toute première visite au fenua, que l’idée d’une refonte du lien aux outre-mer "faisait son chemin" à Paris. D’où une "petite fenêtre d’espoir". "Il pense qu’il est peut-être temps de revoir la manière d’appréhender le sujet au niveau de la République, au niveau de la France. Et donc dans les jours qui viennent dans les mois qui viennent, peut-être que ils vont revenir sur leur positionnement pour essayer de trouver une piste qui permettrait de donner satisfaction quand même à toutes ces revendications naissantes, dans les outre-mer et bien entendu, ici en Polynésie."
L’application de l’accord de Bougival, qui passe nécessairement par une réforme constitutionnelle, pourrait-elle être l’occasion de cette "révision" des liens entre la France et ses outre-mer ? "On n’a pas parlé de ça", répond Tony Géros, de toute façon pas convaincu que cet accord, dont le Tavini s’est montré très critique, aura le droit à une concrétisation quelconque. "La Calédonie c’est un sujet qui l’inquiète, c’est tout ce qu’il nous a dit."

L’élu bleu ciel estime aussi que son interlocuteur peut être porteur de changement sur l’épineux sujet du nucléaire. "C’est comme le président de la République, ils font partie de cette nouvelle génération qui n’a pas vécu les essais nucléaires et donc ils ont un regard complètement détaché de l’affect, plutôt pragmatique sur la réalité, sur la nécessité d’apporter des réponses qui soient acceptées et acceptables pour les Polynésiens. Il est configuré dans cette manière de comprendre et de voir les choses et c’est pour ça qu’il nous a affirmé d’un soutien total à la modification dans le sens de demandé. Et puis un certain nombre de préconisations à propos desquelles il est tout à fait ouvert."
La discussion a aussi porté sur l’Indopacifique et les tensions diplomatiques et militaires dont la zone est le théâtre. "Là on est dans un domaine inconnu de tout le monde, on sait à quoi il faut s’attendre mais on ne sait pas encore quand est-ce que ça va démarrer et dans quelle forme", confie Tony Géros. "Donc il y a des enjeux stratégiques qui échappent à la Polynésie et qui touche au domaine de la stratégie, de la géopolitique… Et puis des enjeux plus intéressants pour la Polynésie dans l’espace indopacifique qui touchent à l’économie. Et là également, Manuel Valls, qui connaît bien les outre-mer, nous a informés qu’à chaque fois que l’État va pouvoir dénouer des points de blocage, ils sont à l’écoute et ils sont prêts à apporter leur soutien."