
Les deux royaumes d’Asie du Sud-Est se déchirent de longue date sur le tracé de leur frontière commune, définie durant l’Indochine française, mais des affrontements à ce niveau de violence n’avaient pas secoué la région depuis presque quinze ans.
Le ministère thaïlandais de la Santé a fait état de 12 morts, dont 11 civils, et 35 blessés. Huit civils ont été tués dans la province de Sisaket, où une attaque à la roquette a touché une supérette près d’une station-service.
"J’ai entendu un grand bruit trois ou quatre fois, et quand j’ai tourné la tête, il y avait un énorme nuage de fumée", décrit Praphas Intaracheun, un jardinier de 53 ans, qui se trouvait dans une station-service à 300 m de celle ciblée, au moment des faits.
Un enfant de huit ans a aussi perdu la vie dans la province de Surin (nord-est), selon les autorités.
Des obus ont par ailleurs touché un hôpital d’une trentaine de lits à Phanom Dong Rak, près de la frontière, provoquant l’effondrement du toit. Le bâtiment avait été partiellement évacué dans la nuit de mercredi à jeudi par précaution. "On ne sait pas quand les patients pourront revenir en toute sécurité", déclare un soldat à l’entrée.
Les combats se concentrent autour de six endroits, a indiqué l’armée thaïlandaise, qui a déployé jeudi matin six avions F-16 pour frapper "deux cibles militaires cambodgiennes au sol", a déclaré le porte-parole adjoint des forces armées, Ritcha Suksuwanon.
Le Cambodge n’a communiqué aucun bilan jusque-là. La porte-parole du ministère khmer de la Défense Maly Socheata a refusé de répondre à une question sur d’éventuelles victimes lors d’une conférence de presse.
L’Union européenne et la Chine, pays qui entretient traditionnellement de bonnes relations avec les deux pays, se sont déclarées "profondément préoccupées" par les affrontements et ont appelé au dialogue.
La France, ancienne puissance coloniale au Cambodge, a également demandé l’arrêt immédiat des combats et l’ouverture de pourparlers. Elle a "fortement déconseillé" les déplacements dans une zone frontalière allant de Phanom Dong Rak à Chong Bok, côté thaïlandais.
Les États-Unis ont aussi appelé à une "cessation immédiate des hostilités, la protection des civils et un règlement pacifique". Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, qui occupe la présidence tournante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) et s’est entretenu avec les deux pays, a appelé à la "retenue".
Bangkok et Phnom Penh sont engagés dans un bras-de-fer depuis la mort d’un soldat khmer fin mai, lors d’un échange nocturne de tirs dans une zone contestée surnommée le "Triangle d’émeraude".
Des mesures de représailles, décrétées par les deux camps malgré des appels à l’apaisement, ont déjà affecté l’économie et le sort de nombreux habitants des régions concernées.
Un nouvel échange de coups de feu près de vieux temples disputés, survenu jeudi au niveau de la province thaïlandaise de Surin et celle cambodgienne d’Oddar Meanchey, a remis le feu aux poudres.
Les deux armées se sont mutuellement accusées d’avoir fait feu en premier.
Hun Manet a partagé sur Facebook une lettre qu’il a adressée au président du Conseil de sécurité de l’ONU dans laquelle il a réclamé une réunion "d’urgence" du Conseil de sécurité.
Le porte-parole du gouvernement thaïlandais Jirayu Houngsub a condamné les actions du Cambodge "avide de guerre" en ciblant des civils. L’ambassade thaïlandaise au Cambodge a appelé ses concitoyens à quitter le pays "le plus tôt possible".
Mercredi, Bangkok a rappelé son ambassadeur en place à Phnom Penh et expulsé de son territoire l’ambassadeur cambodgien, après qu’un soldat thaïlandais a perdu une jambe en marchant sur une mine à la frontière.
L’épisode moderne le plus violent lié à la frontière remonte à des affrontements autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui avaient fait au moins 28 morts et des dizaines de milliers de déplacés.