
Le différend frontalier qui oppose ces deux pays d’Asie du Sud-Est donne lieu depuis deux jours à un niveau de violence jamais vu depuis 2011, impliquant des avions de combat, des tanks, des troupes au sol et des tirs d’artillerie. Bangkok et Phnom Penh sont engagés dans un bras de fer depuis la mort d’un soldat cambodgien fin mai, lors d’un échange nocturne de tirs dans une zone contestée de leur frontière commune surnommée le "Triangle d’émeraude".
"La loi martiale est désormais en vigueur" dans huit districts frontaliers, a annoncé Apichart Sapprasert, responsable de l’armée thaïlandaise dans les provinces de Chanthaburi et Trat. La Thaïlande fait état pour l’heure de 15 morts, le Cambodge d’un mort. À l'occasion d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies, le Cambodge "a demandé un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et nous avons également appelé à une résolution pacifique du conflit ", a déclaré Chhea Keo, l'ambassadeur cambodgien à l'ONU à quelques journalistes à l'issue de ce rassemblement à huis clos, vendredi. Dans un communiqué, le ministre de la Défense cambodgien a évoqué une "agression" du pays frontalier, qui "a déployé d'importantes forces militaires", faisant de "fausses accusations", estimant que cela montrait une "stratégie d'invasion préméditée".
Le Premier ministre thaïlandais, Phumtham Wechayachai, a prévenu que l’aggravation de la situation conduirait à "une guerre". "Nous avons essayé de trouver un compromis parce que nous sommes voisins, mais nous avons donné l’instruction à l’armée thaïlandaise d’agir immédiatement en cas d’urgence", a-t-il poursuivi.
Au même moment, Bangkok s’est dit "prêt" à négocier une sortie de crise par la voie diplomatique ou par l’entremise de la Malaisie, qui occupe la présidence tournante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), dont la Thaïlande et le Cambodge sont membres. Les États-Unis, la France, l’Union européenne et la Chine ont déjà tous appelé au dialogue et à la fin du conflit. "Ce problème trouve ses racines dans les séquelles des colonisateurs occidentaux et doit maintenant être abordé avec calme et géré de manière appropriée", a déclaré le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi. Les deux pays contestent le tracé de leur frontière commune, définie durant l’Indochine française. L’épisode le plus violent lié à ce différend remonte à des affrontements autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui avaient fait au moins 28 morts et des dizaines de milliers de déplacés.
Les relations diplomatiques entre les deux voisins, liés par de riches liens culturels et économiques, sont au plus bas depuis des décennies. Bangkok a rappelé mercredi 23 juillet son ambassadeur à Phnom Penh et expulsé de son territoire l’ambassadeur du Cambodge, qui a répliqué jeudi en retirant tout son personnel diplomatique stationné à Bangkok.

Les combats ont repris dans trois zones vendredi matin, a indiqué l’armée thaïlandaise. Les forces cambodgiennes ont procédé à des bombardements à l’aide d’armes lourdes, d’artillerie de campagne et de systèmes de roquettes BM-21, a déclaré l’armée, et les troupes thaïlandaises ont riposté "avec des tirs de soutien appropriés". Dans la ville cambodgienne de Samraong, à 20 km de la frontière, plusieurs familles avec des enfants et leurs affaires à l’arrière de leurs véhicules étaient en train de s’enfuir à toute vitesse. "Je n’ai pas pu tout prendre avec moi", explique Salou Chan, 36 ans, qui s’est réfugié dans un temple bouddhique avec ses deux enfants. "Je suis inquiet pour mes enfants. Ils ont pris peur quand ils ont entendu le bruit des fusillades." "Je ne sais pas quand on pourra rentrer chez nous", a-t-il poursuivi.
Les deux pays s’accusent mutuellement d’avoir ouvert le feu en premier et défendent leur droit à se défendre. Bangkok a aussi accusé ses adversaires de cibler des infrastructures civiles comme un hôpital et une station-service, ce dont Phnom Penh s’est défendu.