
Côté surprises, Mélodie n’est pas en reste. Ingénieure, pilote de ligne, grande sportive et vainqueure 16 fois d’affilée du jeu N’oubliez pas les paroles… Cette toute jeune femme de 34 ans en impose et nous rendrait "verte de jalousie" si elle n’était pas aussi simple et sympathique ! Elle est née en France "à mon grand regret", précise-t-elle tout de suite. Car sa maman est Calédonienne, mais les exigences de travail de ses parents (papa est pilote de ligne et maman contrôleur aérien) les ont menés en Métropole. Ah, on comprend tout, allez-vous vous dire. Eh bien non. Car Mélodie ne se destinait pas au départ à être pilote de ligne "comme papa".
Après de nombreuses années en Métropole, sa mère "craque". Elle veut rentrer au pays. Mélodie a 14 ans et est ravie. Elle connaît le Caillou pour y être venue en vacances plusieurs fois, mais elle rêve d’y vivre. La famille déménage donc et la jeune fille intègre la filière S-SI (spécialités sciences de l’ingénieur) à Jules-Garnier puis une classe prépa. "En fait, j’avais plutôt envie d’être contrôleur aérien. Pour avoir souvent été au travail avec ma mère, je trouvais ça vraiment intéressant. En plus à l’époque à Roissy, c’est vrai que c’était très dynamique, donc passionnant."
Mais Mélodie a un problème de vue, elle est myope, ce qui est rédhibitoire pour faire ce métier. Et l’idée que pilote est un métier d’hommes est encore ancrée dans la tête de la jeune femme. "Petite, j’allais souvent avec mon père en vol et je n’ai jamais croisé de femmes pilotes…" Et pour Mélodie, son petit problème de vue s’applique également au métier de pilote. Du coup, elle se dirige vers un métier d’ingénieur. Elle intègre donc Centrale Supélec.

À côté, elle continue à vivre pleinement ses deux passions, le tennis et le ski alpin. Une rencontre va faire basculer les choses : “Au travers de mon club de ski, j’ai rencontré une collègue de mon père qui a 10 ans de plus que moi. Elle était pilote sur des longs courriers, était mariée et avait trois enfants. Ça m’a ouvert les yeux, je me suis dit qu’en fait, ce métier était aussi bien adapté à une femme qu’à un homme !" Un autre élément va pousser Mélodie vers le métier de pilote : "À peu près à la même époque, mon papa a volé avec quelqu’un qui était myope et qui lui a expliqué que finalement, les restrictions en termes de vue étaient plus light pour les pilotes que pour les contrôleurs aériens."
Le temps que le projet mûrisse, Mélodie termine ses études d’ingénieur, fait une coupure, rentre au pays et prend ses premiers cours de pilotage : "À la première heure de vol, je me suis dit, c’est bon, c’est ça que je veux faire !" Rentrée en Métropole, elle termine son école d’ingénieur puis s’inscrit à l’École nationale de l’aviation civile. Diplôme en poche, Mélodie, comme tous les jeunes pilotes, attend d’être recrutée. C’est la compagnie EasyJet qui lui met “la main au manche”. “Ils avaient les mêmes avions qu’Aircalin, c’était une occasion en or de faire mon expérience.” La jeune femme restera cinq ans dans cette compagnie.
Lors d’un déjeuner chez ses parents avec une amie très proche, le jeu N’oubliez pas les paroles passe en fond à la télé. Ni une ni deux, son amie lui propose d’y participer. Mélodie ouvre des yeux ronds : “Je jouais un peu du piano et je chantonnais mais c’est tout !” Et ça demande un certain travail de préparation tout de même… “Je n’avais pas le temps.” Mais, le Covid arrive et la cloue au sol. “Du coup, du temps, j’en avais ! Je me suis mise à bosser des chansons et je me suis prise au jeu, ça m’éclatait !" Mélodie finit par se présenter au casting qui se déroule en plusieurs étapes : "Ils m’ont appelée une première fois et j’y suis allée." Un souvenir mitigé car un drame est survenu la veille du casting, son amie a perdu son compagnon. "Je ne voulais pas y aller, car je voulais rester avec elle, mais elle a insisté : fais-le pour lui…" "Je ne me souviens même plus de ce que j’ai raconté. J’étais à l’ouest complet.”

Un an passe et Mélodie retente le casting. Et ça se passe plus que bien ! “J’ai gagné 16 fois, c’était incroyable !", s’enthousiasme encore Mélodie qui, entre-temps, est rentrée en Nouvelle-Calédonie avec son compagnon et a intégré la compagnie Aircalin en tant qu’officier pilote de ligne.
Un boulot que, décidément, elle adore. Et ses préjugés sur le fait que ce soit un métier d’homme sont loin derrière. Et quand on lui demande ses impressions la première fois qu’elle s’est retrouvée dans la cabine de pilotage aux côtés du commandant et avec la responsabilité d’une centaine de personnes, sa réponse est claire : "Les plus grosses émotions, ce n’était pas à ce moment-là. C’est vraiment à la toute première heure de vol. Dans la cabine de pilotage, on est deux, et tu oublies presque qu’il y a tout le monde derrière. On le sait, mais pendant les procédures, on est concentrés." Et depuis dix ans maintenant que Mélodie pilote, elle est heureuse de constater que les mentalités ont bien évolué. Évidemment, il y a toujours un macho de base pour sortir une réflexion du style : "ça a bougé durant le vol, c’est normal, c’est une femme qui pilote… ". "Mais, c’est très rare et l’ambiance et les relations sont vraiment bonnes", nous confirme la jeune femme.
Mais il y a tant de choses à dire sur Mélodie qu’on n’aurait presque oublié de parler d’une autre de ses activités et pas la moindre : le tennis. Un sport qu’elle pratique depuis l’enfance et dans lequel elle excelle même si modestement elle nous dit : "Je ne joue pas à un niveau incroyable (elle est tout de même demi-finaliste du championnat de France universitaire 3e série en 2011), mais c’est une vraie passion.”

Passion qui s’est concrétisée l’an dernier avec son élection en tant que présidente de la Ligue de tennis de Nouvelle-Calédonie : “Je savais qu’il y allait y avoir un changement à la ligue l’année dernière. Je ne l’avais pas du tout envisagé, mais on en a parlé avec des copains, et on s’est dit que ça pourrait être une bonne idée de se présenter et de faire avancer les choses." Au programme : redynamiser le tennis, développer le padel, le beach tennis, le tennis-fauteuil et mettre en place le pickleball : "ça se joue sur un terrain de 6,1 m x 13,41 m. À l’intérieur d’un terrain de tennis, on peut donc en mettre quatre de pickleball. Pratique pour les clubs !"
Aujourd’hui, Mélodie endosse un autre rôle, celui de maman. Épanouie et bien dans sa peau, elle est prête à vivre cette nouvelle aventure. L’aventure de toute une vie.

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