
"Se réformer sans cesse." Grand principe du protestantisme, l’adage a-t-il été délaissé par les émissaires calédoniens ? "Il est temps de se remettre en question", constate effectivement le pasteur Var Kaemo, président de l’Église protestante de Nouvelle-Calédonie-Kanaky (EPKNC), qui va plus loin encore : "Il faut ressusciter notre église." "Nous faisons face aux défis de notre époque, qui nous imposent une démarche collective de discernement, de dialogue et de réflexion." Cette quête de renouveau prendra la forme d’assises inédites, organisées du 15 au 20 août à la paroisse de Siloam, dans le district de Wetr, à Lifou.
L’évènement affiche plusieurs ambitions : "relancer une dynamique ecclésiale vivante", "recentrer l’église sur sa mission dans le monde contemporain", "donner la parole aux fidèles" ou encore "répondre aux enjeux sociaux, environnementaux et interculturels". Une trentaine d’intervenants, théologiens, coutumiers, universitaires ou représentants de la société civile sont attendus pour livrer leur vision sur la nécessaire réforme de l’EPKNC. Un "grand rendez-vous historique", veut croire Var Kaemo, pour s’acheminer vers une église "plus incarnée, plus participative et plus ouverte".
Ces premières assises sont aussi une réaction aux menaces existentielles qui pèsent désormais sur le courant protestant en Nouvelle-Calédonie. L’EPKNC, dont le nombre de fidèles est estimé aujourd’hui à environ 40 000, n’échappe pas à la crise de confiance qui frappe les institutions, auxquelles s’ajoutent des "inégalités croissantes" et des "mutations identitaires et spirituelles". "Beaucoup de gens de chez nous partent pour rejoindre d’autres courants", constate le pasteur. C’est le cas notamment des plus jeunes, davantage attirés par "des courants évangéliques qui jouent la carte de la spiritualité" et qui se sont multipliés ces derniers temps, semant "la confusion au sein des églises".
Plus largement, l’Église protestante de Kanaky-Nouvelle-Calédonie est engagée dans une quête identitaire. "Nous tâtonnons, admet Var Kaemo. Nos missionnaires sont repartis en Occident en nous laissant une église que nous n’avons pas choisie. Il faut qu’on parvienne à se défaire de cette identité imposée et que nous bâtissions une église d’ici, avec un clergé d’ici." L’EPKNC veut s’appuyer sur les autres Églises protestantes du Pacifique pour y parvenir. James Bakwan, secrétaire général de la Conférence des églises du Pacifique, sera justement présent lors des assises.
Autre objectif : retrouver la dimension sociale sur laquelle s’est fondée l’Église protestante calédonienne. "Nous étions champions dans ce domaine, mais nous sommes aujourd’hui dépassés, reconnaît le pasteur Var Kaemo. Peut-être que nous n’avons pas su nous adapter aux crises successives, donc nous avons besoin de nous retrouver pour réfléchir à tout ça." Les cinq jours d’assises seront suivis du synode annuel de l’EPKNC, du 21 au 23 août.