
Il est 8 heures, à l’Ocef, ce mardi 19 août. Les employés s’affairent à charger des cartons dans un conteneur qui doit partir pour la Polynésie française. Dedans, du rumsteak, de la tranche à jus, du jarret de bœuf, de la longe de veau et de la cuisse de cerf. Les entrecôtes et les filets, eux, sont gardés pour le marché calédonien, friand de ces morceaux. C’est la première fois que l’Office de commercialisation et d’entreposage frigorifique exporte de la viande locale. Le résultat d’une mission portée par la Chambre d'agriculture et de la pêche et qui s’est déroulée au mois de mai à Tahiti. "Cet envoi est la concrétisation de cette visite, explique Lionnel Brinon, président de l’Ocef, qui y a participé, "avec la signature d’un contrat avec un importateur polynésien".
Au total, 13 tonnes sont exportées, dont 6,5 de viande calédonienne, 500 kg de cerf et 6 tonnes de bœuf, ce qui représente à peine plus de 0,3 % des près de 2 000 tonnes de gros bovins produites en 2023. "C’est un tout petit segment, une première approche", précise Lionnel Brinon. Si l’Ocef s’évertue, ces derniers mois, à trouver de nouveaux débouchés à la filière, c’est en raison d’une contraction de la consommation, estimée à entre 20 et 25 % par rapport à 2023. "On a jamais vu ça, c’est une baisse historique." En cause, analyse le président de la structure, les départs du territoire, "la crise politique", ainsi que la perte de pouvoir d’achat des Calédoniens. "On est le premier maillon avec les pommes de terre et la viande, on l’a constaté immédiatement. Au moment de la signature de l’accord de Bougival, on a vu un léger rebond pendant deux semaines, avant une nouvelle baisse." D’où la nécessité de chercher des moyens pour écouler ces excédents de viande afin d’éviter de réduire le niveau de production. L’export est l’un d’entre eux. "Mon objectif est de continuer à soutenir nos éleveurs, afin qu’ils puissent garder un revenu acceptable et, quand on sortira de cette période de crise, qu’ils puissent à nouveau satisfaire les consommateurs", explique Lionnel Brinon.

Le conteneur doit arriver à Tahiti la première quinzaine de septembre. L’Ocef espère que les retours des consommateurs polynésiens seront positifs, l’idée étant de pouvoir assurer d’autres ventes de ce type. Sur cette opération, la marge est "quasi de zéro, on a fait des prix intéressants. La priorité est de démontrer qu’on est capable de fournir une viande à des tarifs presque équivalents à la Nouvelle-Zélande et de voir si on arrive à accrocher durablement un marché en présentant de la qualité, comparé à d’autres types de viandes importées de Nouvelle-Zélande ou d’Australie, puisque nos animaux sont élevés à 100 % à l’herbe." Autre avantage, mentionne Lionnel Brinon, l’intégration de nouvelles races, ce qui permet aujourd’hui de ne quasiment plus traiter les bœufs contre la tique.
L’autre territoire d’export visé est Wallis-et-Futuna. Cette fois, il s’agirait d’y envoyer de la pomme de terre. La prochaine récolte est prévue début septembre. En fonction des volumes, une partie pourrait lui être destinée. "On poursuit les discussions avec eux." La Nouvelle-Calédonie ne pouvant pas rivaliser avec de gros fournisseurs comme la Nouvelle-Zélande, se rapprocher de petits marchés comme ceux que représentent Wallis-et-Futuna et la Polynésie française est "intéressant".
L’autre solution sur laquelle planche l’Ocef pour écouler ses stocks : la transformation. Une action a été réalisée dans les cantines scolaires en partenariat avec Newrest, afin d’inclure des pommes de terre dans les repas des écoliers. Une autre est prévue en septembre, cette fois avec de la viande de veau et des légumes de la Coop 1, une coopérative agricole. Concernant la filière porcine, une partie de la production a été réorientée vers la charcuterie. "On a aussi été contraints de réduire les droits à produire pour les éleveurs de porcs", ajoute Lionnel Brinon. Confrontés à une baisse des ventes et à une hausse des coûts, ces derniers font face à une situation difficile, d’autant que cette viande est "chère à la fabrication, les éleveurs étant contraints par le prix de l’alimentation, qui représente plus de 75 à 80 % du coût de production".